Bonjour mon cousin
Me voici de retour parmi vous, enfin là, je vous envoi cette missive depuis Brisbanne, la civilisation me manquait un peu, car voyez-vous, j’ai dû faire un très long voyage pour tenter de trouver quelques marchandises exotiques me permettant d’y trouver pitance.
Cela devient de plus en plus pénible et aléatoire car les commerçants asiatiques sont partout.
Ils n’ouvrent plus seulement ces étranges gargotes à la nourriture exotique a manger sans fourchettes, mais sont dans toutes les affaires, aussi bien de colifichets dont raffolent nos épouses que d’étonnantes ardoises magique lumineuses où tout ce dont on peut rêver se matérialise sur leur écran de lumière blafarde ou encore dans ces commerces de carrosses métalliques les plus modernes. Il en est même dont l’atmosphère est rafraîchissante et qui ne coûte pas 100 sols de plus que celles où l’été on étouffe vitres ouvertes, c’est dire si l’Empereur tremble pour ses manufactures Impériales.
L’avènement de ces grands oiseaux de fer nous a bien servi au siècle dernier mon cousin, mais à présent, il en est tellement de part le monde que l’on n’est envahis de tout ce qui était rare, donc cher.
Pire, les marchands de chameaux ne vont plus sur les marchés Arabes, ils achètent du papier dans l’espoir que ce papier prenne de la valeur.
Bien sur, ils ne connaissent rien dans ce que représente ce papier, mais comme vous le savez, ils ont cette huile de pierre, cette huile lampante dont nous sommes si friands et si au début de cette aventure commerciale ils nous laissaient la puiser à notre guise , méprisant ce travail sale et nauséabond, les voilà qui inventent la dîme et la gabelle locale et qui exigent chaque jour un peu plus pour un peu moins de ce pétrole en passe de devenir rare!
Aussi, le commerce de cette huile noirâtre et puante est devenu un sport national chez ces exotiques.
Un jour il se trouve à 70 sols la barrique, le lendemain il suffit de quelques murmures pour que la même barrique se retrouve à 140 sols ! Face à de telles folies, bien des commerçants se sont désintéressé du négoce de cette huile et la désorganisation du marché est devenu la règle.Le grand Mamouchi des nouvelles Amérique tente bien à coup de canons terribles de remettre de l'ordre mais la tâche est très rude et les résultats peu convainquant
Tous savent que la fin est proche, car ils ont bien plus de clients que de stock et personne ne sait en produire qui serait artificiel, donc tous tentent d’en limiter l’usage. Cela va de l’interdiction pure et simple de l’usage de nos charrettes mécanique dans les grandes cités, en passant par la taxe à payer chaque jour pour y rentrer... Jusqu’a l’interdiction de ces machines à pétrole et leur substitution plus ou moins imposée par d’étranges charrettes électrique. De vieux boucs finissants ont même inventé la taxe carbone mon cousin, tout cela pour nous dissuader d’utiliser ce pétrole, mais ils ne proposent rien en face que de misérables moulins à vent qui rendent fous ceux qui habitent à côté et qui ne tourneront … Que s’il y a du vent alors que personne ne sait quand il y en a!
Ces inventions de la déesse Elektra ont pris le nom de charrettes électriques. Elles ne sont pour l’instant guère convaincantes. Elles n’ont pas traversé la capitale et ses encombrements qu’il faut les pousser dans la remise à la main, parfois même, on est obligé de les atteler à un cheval de trait pour finir le voyage!
Je reviens de ces Indes où ils vont fêter l’anniversaire de leur indépendance. Leurs villes sont faites d’un étrange mélange de notre civilisation et de la leur, ancestrale et mystique.
Ce qui est sur, c’est que de leur nombre incalculable pour moi, découle une misère tout aussi immense.
On y côtoie de belles limousines rutilantes avec de très vieilles charrettes à bras tirées par de pauvres hères prolongeant leur agonie au fil des jours pour quelques roupies leur assurant subsistance sans futur, cela, dans une indifférence étonnante et respectant tacitement des échelles de valeurs définies par des castes dont la plus miséreuse est intouchable, mais qui prétendent pourtant être des démocraties…
Inutile de vous écrire mon cousin que de telles tartuferies me laissent de marbre et que je n’ai aucune confiance face à de tels menteurs. Ils semblent très affables pourtant et leurs femmes ont parfois la beauté du Diable. Cependant, je reste méfiant face à ces nouveaux riches qui sourient dans leurs salons dorés tout en rêvant de revanche parfaite sur une époque Victorienne qu’ils n’ont pourtant pas connue.
Aussi, j’y ai fait très peu d’affaires agréables et j’ai repris mon vapeur pour aller voguer... Vers l’Australie.
Figurez-vous mon cousin que nous avons fait du charbon sur une île étrange appartenant encore pour un temps à l’Empereur finissant du gai Paris et appelée « le cailloux » du fait que sa végétation est vraiment réduite à la portion congrue de cet immense territoire posé comme une verrue sur un océan de douceur trompeuse.
Je n’avais pas posé le pied sur ce sol que j’entendis, toutes sirènes hurlantes, l’arrivée d’une noria de véhicules de la police de l’Empereur déployant sa force d’intimidation face à une armée d’exotiques vociférant des slogans haineux envers ces pauvres policiers.
J’avais perdu l’habitude de ces violences devenues si banales dans les banlieues de Paris où justement on a entassé aussi des centaines de milliers d’exotiques de toutes origines et qui bien sur, font un peu pareil.
Je questionnais ça et là pour connaître l’origine de ce désordre et c’est alors qu’un vieux bonhomme fumant sa pipe à la terrasse d’un café se décida à me parler.
"Mon bon monsieur, vous n’êtes ici que de passage, je vous prie de bien regarder et admirer ce qui très bientôt ne sera plus qu’un passé de cartes postales comme celles de nos colonies d'Afrique. C’est que voyez-vous, ici la haine est partout, vos satellites de télécommunications ont apporté ici la haine monsieur et non la civilisation.
Comment voulez vous que 1000 années d’espace temps puisse cohabiter ensemble Monsieur?
Tant que nous n’avions des nouvelles que par les journaux arrivant ici avec parcimonie, tout allait à peu près bien, les uns regroupés dans leurs tribus et autres territoires où la coutume est reine et les autres travaillant à exploiter la terre de ce minerai dont nos maîtres de forges désirent l’usage, ce fameux Nickel.
Mais là ,qu’avez vous fait misérables? Les voilà tous vous regardant dans ces étranges lucarnes vous pavaner dans de beaux carrosses mécanique , prendre ces oiseaux de fer pour filer aux 4 coins de la planète, ils regardent vos ports dégoulinant de conteneurs vous apportant toutes les richesses du monde tandis qu’eux… N’ont RIEN, absolument RIEN puisqu’ils ne font… Rien.
Mais peu importe, ils exigent de vivre de même manière et deviennent de plus en plus haineux de ce que nous sommes, alors voyez … Nos rues ne sont plus que champs de bataille, de plus, il fut un temps où vos républicains au nom d’une égalité utopique leur ont promis tout et son contraire. Même une indépendance pour je crois en 2015
Alors ils s’organisent, les chefs de tribu tissent leur toile dans l’espoir demain d’être les rois du « Caillou ».
Pas un seul ne le dit mais TOUS y pensent. Ils sentent la faiblesse monsieur, ils la sentent comme les oiseaux sentent la mort bien avant le tremblement de terre Monsieur, comprenez vous?"
Je le regardais avec surprise… -Mais pourquoi tout ce désordre monsieur? "Oh me répondit-il ce n’est qu’un prétexte comme un autre. Pour acheter la paix sociale,voici 10 années à présent, nos politiques ont distribué des places honorifiques aux indigènes du Caillou. Ainsi, un certain Nidoish Naisseline un brailleur chef de tribu indépendantiste haineux, c’est retrouvé Président de la compagnie des grands oiseaux de fer Air Calédonie. Bien sur, il n’est qu’un faire valoir car il ne sait que râler, mais il est Président et donc jalousé, suivez bien.
Tout est parti de trois fois rien mon bon monsieur et l’on pourrait presque en rire.
Une de ces gamines employées dans notre aérodrome a vu son papa se présenter pour un voyage en Australie en compagnie d’une jeune créature aventurière désirant profiter des largesses du papa.
Vous savez comme nous aimons jouer et comme elles sont vénales mon cher…
Ici ou là, rien ne change c’est partout pareil ou presque… "
Je regardais ce vieil homme et l’écoutais avec amusement, mais il ne me laissa pas ouvrir le bec qu’il ajoutait:
"Vous savez comme les femmes sont jalouses, c’est plus fort qu’elles. La gamine n’a pas du tout apprécié et a téléphoné à sa mère restée à la cuisine pour faire des gaufres.
Ca a dégénéré, la gamine a été licenciée pour faute grave"
Et le concurrent jaloux de ce Naisseline en a profité pour refiler le boxon sur tout le territoire en hurlant pour la ré intégration de la pipelette tandis que l’autre s’entêtait à vouloir la laisser dehors.
Bien sur, pour que la jeunesse le suive, l’autre a promis mille et une choses dont l’impunité face aux lois des blancs qui ne peuvent s’opposer à la coutume des tribus et les gamins ont très bien compris le message et l’aubaine, ils ont mis à sac les magasins tout en hurlant "mort aux exploiteurs", de plus ils ont fêté ça à coup de gnôle puis ont mit bien des quartiers à feu et à sang tandis que des Charters de petits blancs composant des compagnies républicaines de sécurité tentaient de préserver ce qui était possible.
Les pauvres n’ont même pas profité de nos plages qu’ils s’étripaient avec l’indigène turbulent et haineux.
Ha mon bon monsieur, nous vivons la fin d’un rêve ancestral. Très bientôt nous allons devoir laisser la place, de toute façon, mon cousin du Nord de la France m’écrivait que nous n’avons plus du tout de sidérurgie, les derniers haut– fourneaux ont étés bradés pour quelques sols à l’un de ces exotiques Indiens vivant dans le bouillard chez ses anciens colonisateurs, ayant juré de les mettre sur la paille!
Je crois savoir que ces pauvres anglais n’ont même plus une usine de carrosse métallique encore debout, ils se contentent comme à Dubaï de boursicoter sur la cote des entreprises qu’ils précipitent par avidité dans une tourmente épouvantable."
J’étais étonné de rencontrer un si vieil homme au bout du monde sachant ces choses et j’allais lui demander d’où il savait tout cela, mais impatient, il me coupa et ajouta non sans énervement:
"Peu importe mon cher, le Nickel sera pour les Australiens, ils sauront mieux que nous gérer ces exotiques, ils ont très bien su le faire dans leur pays. Il faut dire que les fariboles humanistes d’un siècle des lumières n’ayant jamais ébloui les rues de leur capitales, ils ne se posent point comme nous ces problèmes saugrenus. Ils prennent et disposent sans discussion possible.
Les nations jeunes ont la dent dure monsieur, les vieilles ne sont que caries et faiblesses, ainsi est leur déclin programmé."
C’est alors que je le voyais s’animer, de grosses gouttes de sueur perlant de ses cheveux gris, presque blancs, il s’agitait sur son siège, ses bras décrivant des arabesques à la manière de ces rastaquouères siciliens qui vous distraient tandis qu’ils vous parlent une heure durant à n’en plus finir, tout cela pour négocier à leur avantage les quelques sols d'une marchandise dont ils n’ont d’ailleurs que faire, mais pour qui sans eux, le commerce ne serait plus digne de rester dans la famille.
Comme il voyait que je l’écoutais avec attention, il ajouta sur un ton de confidence secrète:
"Moi j’ai bien vécu ici monsieur, à présent je sens que tout va finir vite, un peu comme en Rodhésie, l'ex grenier de l'Afrique qui a present crie famine, la race va parler et va chasser celle qui est devenue faible au nom d’une égalité illusoire et mortifère.
Puis tout comme là- bas, la sauvagerie d’un temps décalé va reprendre ses droits, il ne nous restera monsieur que quelques cartes postales jaunies du joli temps des Colonies… Et vous savez quoi mon bon monsieur? Avant dix ans ils prendront les quelques oiseaux de fer que nous leur auront laissés encore capables de voler pour tenter de venir vivre là-bas sous le ciel de Paris.
Moi j’aurai cassé ma pipe me dit le vieil homme tout en tapant doucement la sienne sur la bordure de sa table pour en nettoyer le foyer. Il me regarda dans les yeux et j’y lu toute l’amertume du monde, dans un souffle il ajouta: Ils m’ont volé ma vie vos politiciens monsieur , ils m’ont volé ma vie… Et vous savez quoi? Vous le voyez celui-là, me désignant un jeune Kanak passant à l’ombre d’une des échoppes du port… Ma viande ne sera pas encore froide qu’il ira pisser sur ma tombe monsieur, un peu comme en Algérie."
Sans un mot mon cousin, je me suis levé, mon vapeur avait fait le plein de charbon, de sa corme de brume, il appelait ses voyageurs, je réglais ma note bien vite au Kanak serveur qui s’était avancé en me voyant me lever. Il me fit un sourire éclatant de lumière alors que je le gratifiais d’un demi-sol de pourboire et je m’empressais de rejoindre le bord.
Encore un endroit où mon commerce de choses magiques va péricliter me dis-je dans un soupir contenu…
Je vis la côte rapetisser tandis qu’adossé au bastingage vibrant sous l’effort des hélices pour propulser le navire, je songeais avec amertume à cet Empire en lambeau qui n’en finissait pas de mourir.
A bientôt mon cousin pour j’espère des nouvelles plus agréables à lire…
Cependant, à présent, j’ai vraiment des doutes.
15 août d’un temps incertain
Votre cousin Horace.