Hier, la Direction des affaires sanitaires et sociales (Dass) a effectué une inspection surprise à la morgue de l'hôpital de Lens (Pas-de-Calais). L'objet de cette inspection était de comprendre d'une part ce qui pouvait être à l'origine d'un grave dysfonctionnement, lors de l'autopsie réalisée sur le cadavre de Betty Louvrié, le 11 avril dernier, et d'autre part de vérifier si d'autres cas existaient. A la suite de son décès par suicide, dû à une ingestion d'un produit toxique le 9 avril, une autopsie avait été ordonnée par le parquet. Celle-ci a bien conclu à un suicide, mais c'est l'état dans lequel le cadavre a été restitué qui pose problème. Alors qu'Hervé Louvrié, très croyant, voulait déposer une Bible dans le cercueil de sa femme, et la revêtir d'une robe et d'un collier, l'agent funéraire l'en a dissuadé. Celui-ci a fini par lui dire qu'il avait été « horrifié à la vue du corps qui n'avait pas du tout été recousu ». Le cadavre avait, en effet, été placé dans deux housses, avec, à ses côtés, un sac plastique contenant les organes. « Ma femme m'a été remise en pièces détachées. Comment voulez-vous que je fasse mon travail de deuil après une horreur pareille », s'indigne Hervé Louvrié, pompier à Paris. Joint hier, Emmanuel Hirsch, le Monsieur Ethique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, se déclare « choqué par cette affaire dramatique, d'autant plus que, partout en France, des efforts considérables sont faits pour assurer la dignité des morts ». A Paris, Jean-Yves Noël, responsable de la chambre mortuaire de l'hôpital la Pitié-Salpêtrière, n'a « jamais entendu parler d'un scandale pareil dans le monde funéraire en trente ans d'exercice ». « De nombreux corps n'ont pas été restaurés. Les médecins ne voulaient pas recoudre » Sur le plan judiciaire, l'avocat d'Hervé Louvrié, M e Ludovic Hemmerling, va déposer trois plaintes : une au civil, contre les deux médecins légistes, pour « faute professionnelle et demande d'indemnisation » ; une autre devant le tribunal administratif « contre l'Etat français, puisqu'il est responsable des conditions dans lesquelles les autopsies sont réalisées » ; et une troisième devant le Conseil de l'ordre contre les deux médecins. Une première plainte au pénal a été classée sans suite en l'absence d'infraction. En revanche, la procureur de Béthune, Brigitte Lamy, nous a indiqué que « lors de l'enquête de police, des fautes importantes ont été découvertes concernant la non-restauration du corps ». Les deux médecins seront convoqués devant l'ordre en janvier prochain. A l'hôpital de Lens, on indique « qu'une procédure disciplinaire est lancée sur un agent d'amphithéâtre ». Depuis l'affaire, les protocoles ont changé, et tous les cadavres sont photographiés avant et après les autopsies. Toute la question est de savoir si cette affaire dramatique est isolée ou non. Au cours de l'enquête de police, l'agent d'amphithéâtre, en poste depuis 1998, a indiqué : « Je dois vous dire que de nombreux corps, après autopsie, n'ont pas été restaurés. Les médecins ne voulaient pas recoudre, ils disaient que ce n'était pas leur boulot. » Un agent de police, présent au cours d'autopsies, a lui aussi témoigné dans le même sens : « A chaque fois que j'ai été amené à assister à une autopsie, les corps n'étaient pas recousus. Ils étaient placés tels quels dans les housses, puis déposés dans les cercueils. » Les deux médecins ont, au contraire, livré une version différente.
Le Parisien
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