LEGENDES

Jadis, le 31 octobre, à l'heure où était célébrée Samain, les portes de Féerie s'ouvraient sur le monde des hommes. Le petit peuple surgissait de la nuit et se dispersait sous les rayons de lune.
"Elle allait vers une source qui sortait de terre sous un grand arbre, tenant en ses mains deux bassins d'or"
Lai de Désiré
Il était une fois un rocher au bord d'un lac qui s'ouvrait une fois l'an. Ceux qui y entraient découvraient un un jardin féerique peuplé d'ondines dansant et chantant, couvrant les visiteurs de fleurs et de présents.

Les ondines sont de belles et douces personnes, souvent bienveillantes. Les Margot-la-fée rendent volontier service aux humains et leur offrent des présents en échange de leur loyauté. Ce sont de bonnes marraines qui n'hésitent pas à réveler des secrets à leurs protégés.
Les fées, lorsqu'elles vieillissent, peuvent devenir hideuses, avec de longues dents. On les appelle alors groac'h. La Groac'h est la fée la plus répandue en Bretagne. On la rencontre prés des courts d'eau, le plus souvent en forêt. Parfois solitaire et recluse, elle peut aussi se montrer autoritaire mais accueillante. Les ondines et les fées scarabées aiment chanter et danser avec légereté sous les rayons de lune. Les fées des fontaines préfèrent les travaux ménagers : laver le linge ou tisser des habits d'un fil de vierge ( ou de fées ). Certains humains n'hésitaient pas, autrefois, à laisser leur quenouille prés d'un court d'eau pour retrouver la besogne savamment ouvragée le lendemain. Il existe des fées-guérisseuses. La mandriale qui poussent sur la falaise de Fréhel aurait été introduite par une fée ). Les anguilles-fées chantent les nuits de pleine lune en consolant les hommes de leurs tourments.
On raconte que les fées seraient immortelles. Seul un mariage avec un humain, donc un baptème, briserait cette magie. Heureusement, parfois un simple serment d'amour suffit à lier les deux êtres.
Même si les fées ne sont pas mauvaises, elles n'hésitent pas à jouer des tours à la cupidité des hommes.
Un jour, un paysan se prommenant le long d'un ruisseau aperçoit des fées entourées de mille pièces d'or, de rubis et d'emmeraudes étincelantes. Fasciné, il s'approche d'elles et les salut, le regard fixé sur toutes ces merveilles.
- Eh, bien, mon brave, veux-tu un peu d'or ?
-Ma Doué ! Cela m'arrangerait bien !
- En veux-tu maintenant dans ton chapeau ou préfères-tu allez chercher plus large besace ?
- Je penses que j'aimerais mieux profiter de votre générosité.
Notre homme s'en va donc, bien heureux de sa rencontre et reviens vite près du ruisseau avec le sac le plus large qu'il a trouvé. Mais lorsqu'il arrive près de la berge, les fées ont disparues.
Facétieuses fées des eaux ! Parfois cruelles, les Mary-Morganes, sirènes d'eau douce et de mer peuvent noyer les humains. Les lavandières de nuit, esprits du Yeun Ellez, sont des fées de la nuit déchues et maudites par le clergé. Serait-ce encore un stratagème de l'église pour nous écarter du chemin de féerie ?

Aux portes de Féerie
L'origine du petit peuple

On raconte que les îles se peuplèrent en cinq "vagues". Les hommes, les derniers, envahirent les îles occupées par les Tuatha té Dannan. Chassés par les bretons, les tribus de la Déesse Dana trouvèrent refuge dans les tertres funéraires souterrains, monde associé à la mort et à la magie.
Les descendants de l'antique tribu ne sont autres que le petit peuple.

Ceci constitue une explication parmi d'autres car on raconte qu'un jour, un jeune homme se promène dans la forêt quand tout à coup, apparait devant lui un minuscule personnage. - Dis-moi, est-ce que je te fais peur ?
- Mais non, répond le jeune homme en ricanant, j'peux pas avoir peur, t'es tout p'tit !
Alors le génie grandit, grandit, grandit !
- Et maintenant, j'te fais peur ? enchaîne le génie.
- Ben t'es p't être plus grand, mais qu'est-ce que t'es moche ! s'esclaffe notre ami de plus belle.
- Et bien dis-moi ce qui te ferait peur !
- Ben, si tu pouvais faire quelquechose d'extaordinnaire, comme rentrer dans cette noisette !
Voilà notre génie qui se transforme en courant d'air et qui rentre dans la noisette.
Mais notre ami malicieux prend une brindille et bouche la noisette, emprisonnant le génie. Il apporte son prisonnier au forgeron.
- Dit, forgeron, tu pourrais me casser ma noisette ?
Alors le forgeron, il frappe avec un marteau, il frappe avec un masse, il frappe et frappe si fort que la noisette éclate en milles morceaux qui retombent sur la Terre.
Et les milles morceaux, c'est le petit peuple.

Plusieurs îles de la Mer d’Irlande, telle que l’Ile de Man, ont compté de nombreux disparus près de leurs rivages. Selon une ancienne légende celte, Oisin, héros célèbre, pensant y avoir séjourné quelques années, revint au pays après plusieurs siècles. Au royaume de Féerie, le temps connaît d’autres lois, tel un rêve. ronde enchantee
Les forêts et les landes de Bretagne possèdent de nombreux lieux enchantés. Par delà les ruisseaux et les fontaines, par delà les tumulus et les grottes, par delà les forêts et les landes s'anime tout un peuple d'étranges créatures. On le nomme "les sans-âge", le "peuple de la paix" ou le "petit peuple".
C'est ce monde merveilleux que nous allons tenter de mieux comprendre.

La chouette
Oiseau de mauvaise augure, on dit que la chouette qui chante sur une maison annonce un décès prochain. Pour palier à ce mauvais sort, on clouait les chouettes, comme les chauves-souris, sur les portes des granges. Son chant faisait appel à la mort, au linceul car les paysans reconnaissaient en son hululement : "coudre, coudre".




La chauve-souris
Logo-dennig dal, la petite souris aveugle, permettait de chasser le mauvais esprit : on les attrapait au vol à l'aide d'un chapeau puis les clouait sur les portes des granges !



le cerf
On le rencontre dans bon nombre de légendes trés anciennes. Cernunnos, le dieu gaulois, portait les bois du cerf sur sa tête.
Il était la manifestation d'entités invisibles, telles les fées, et se présentait souvent en blanc (ex. : église de Tréhorenteuc, Brocéliande). On retrouva également des bois de l'animal recouvrant les squelettes lors de fouilles de nécropoles mésolithiques (passage du paléolithique au néolitique).
Avec l'arrivée du christiannisme, le cerf, loin d'être oublié, caractérise Saint Edern, ermite du VIIIème siècle, comme le montre la statue en bois polychrome du calvaire de Lannédern.




le goéland
Pendant longtemps, l'oiseau représenta l'âme des marins morts perdus. Gare à celui qui tuait un goéland car il s'attirait ainsi grands malheurs !
On disait aussi que lorsqu'un pêcheur périssait en mer, les goélands allaient crier à sa fenêtre

Eon, surnommé de l'Etoile. Fils de noble famille, Eon s'était fait ermite en Brocéliande.

D'Argentré raconte qu'il fût moine mais qu'ayant été déplacé par ses superieurs, il quitta l'église pour fonder son propre dogme. "Pris du cerveau, il se disait être le fils de Dieu". Eon utilisait la magie pour endoctriner les plus pauvres. "Il se transportait de place en autre si soudainement qu'il était aisé de voir que le diable le portait". Eon aurait eu connaissance d'un ancien savoir et les descriptions de sa magie rappellent les coutumes druidiques (plantes hallucinogènes...). Pour se révolter contre les injustices des plus riches, il volait châteaux et monastères dont il récupérait les richesses pour les redistribuer aux paysans. Pourtant, sa doctrine ne se limitait pas qu'à l'illusion de la magie et au "mieux" materiel. Et ses disciples lui étaient fidèles jusqu'à la mort. Son pouvoir et sa popularité s'étendirent jusqu'en Gascogne jusqu'au jour où le pape Eugène en personne le fit arrêter (selon d'Argentré). Jugé comme fou et simple d'esprit, il ne fut pourtant condamné qu'à la prison, sort plutôt surprenant pour un tel hérétique. Son ordre fut dissout et ses faits tus pour mieux être oubliés. Et Nora Chadwick d'analyser : "Une prétention à être le fils de Dieu ; une lutte de fait contre l'église, sa hierarchie, ses sanctuaires et ses monastères ; (...) Eon n'était rien moins que l'apôtre du communisme au Moyen Age".
La sorcellerie au service de nobles causes ???

!



Célèbres sorciers
Naïa, la sorcière de Rochefort-en-Terre

Dans "La Vieille France Qui S'en Va", Charles Géniaux décrit sa rencontre au début du XXème siècle avec la sorcière du village.
" Elle me parut une femme robuste de soixante années. Ses traits, son front ridé, pouvaient être d'une centenaire, cependant que ses mains charnues et solides démentaient la viellesse précoce du haut de son visage".
"J'ai la puissance et Gnâmi est plus fort que la mort !"
Vieille femme à l'allure sévère, dotée du baton noueux des sorciers, Naïa s'était fait la maîtresse d'un lieu digne de son personnage, vieux, intemporel et mystèrieux : le château de Rieux. On la disait immortelle. Car de mémoire d'homme, on avait toujours connu la même silhouette vieille, sombre et vigoureuse. Naïa semblait échapper aux lois du temps. Elle ne mangeait ni ne buvait car, disait-elle, "Est-ce que les anges mangent ? Nous n'en avons pas besoin non plus." Et jouait ainsi de son rôle de sorcière presque avec amusement.
Car on racontait beaucoup sur Naïa. Ses exploits fascinaient les populations alentours. Elle possédait le don d'ubiquité, faisait parler les feux dont le cuir de sa peau était insensible, lisait l'avenir, communiquait avec l'esprit de "Gnâmi" : "J'ai la puissance et Gnâmi est plus fort que la mort !". A la question de qui était Gnâmi, elle répondait : "Gnâmi est Celui qui peut, Celui qui veut, Celui qu'on ne voit pas."
En réalité, Naïa était une femme intelligente et instruite. Charles Géniaux rapporte qu'elle lisait même les journaux. C'était la fille d'un rebouteux de Malensac et avait hérité de dons de ventriloques et de plusieurs tours de saltimbanques. Ainsi s'était construite et perpétuée la légende de Naïa, la "chaman" de Rochefort en Terre.

"Cent mille malédictions je te donne, la malédiction du soleil, la malédiction de la lune, la malédiction des étoiles..."
Telles étaient les imprécations des sorcières de Basse-Bretagne.

Les sorciers possèdent la science des plantes et des herbes. Celles-ci sont souvent cueillies dans des endroits de mauvaise réputation, comme les cimetières, les carrefours et les landes.



Les rituels doivent répondre à des règles précises, en fonction des astres, du nombre de gestes. Quand il veut nuire à certaines personnes, le sorcier ramasse la terre des ossements humains dans trois cimetières différents avec laquelle il touche ses victimes.
On raconte aussi que pour obtenir des richesses, il faut attraper une grenouille verte le jour de la pleine lune, la déposer dans une fourmilière et prononcer : "Sans peur ni effroi, grenouille verte poursuis ta route, fais connaissance avec le Diable, pour qu'il m'apporte un peu d'or et que j'aie le moyen de ne plus travailler..." .
Le sorcier doit se rendre ensuite à un carrefour de cinq chemins et à minuit sonnante entonner : "Je promets fidelité à Satan et sa lignée et aux quatre coins du monde, pour lui j'irai courir...".
Le Diable apparait et remet à son serviteur un chat noir auquel le sorcier confie une bourse. Le lendemain, la bourse se retrouve remplie d'argent. Il arrive qu'un sorcier envoûte au hasard, en ensorcelant des objets qu'il dépose sur les chemins et qui seront susceptibles d'être convoités et ramassés.
On raconte aussi qu'il existe un maléfice très répandu en Bretagne : celui de nouer l'aiguillette pour rendre un homme impuissant. Il suffit de prendre le membre d'un loup "fraîchement" mort, frapper à la porte de la victime et dès qu'elle répond, lier le membre avec un lacet de fil blanc.

Des sortilèges, il en existe de toutes natures, contre les éléments, les saisons, les hommes ou encore le bétail.
Le lis cueilli sous le signe du lion, mêlé de laurier et de sept poils de loup, posé sur une couche de fumier, produit des vers. Le sorcier doit récolter ces vers, les réduire en poudre et les jeter dans du lait. Une fois le mélange prêt, l'ensorceleur place la concoction dans une étable en la couvrant d'un morceau de peau de vache. Ainsi, toutes les vaches de la couleur du morceau de peau ne donneront plus de lait.

Les peines et les malheurs furent souvent attribués à un maléfice ou une malédiction. Au grand bonheur de certains qui profitaient de la naïveté des campagnards pour influencer les esprits de leur dogme. Ou est le Bien ou est le Mal ? Les voix du seigneur sont-elles toujours aussi impénétrables ?

Des rats, des loups et des chats, le sorcier sait se rendre le funeste maître.
On dit qu'il "enrace" les rats pour semer la ruine dans les habitations. Dans les Côtes d'Armor, on raconte que les sorciers grillent un rat tout vivant et promènent son cadavre autour d'une maison. Cet acte attirera les autres rats qui envahiront la place.
Par certaines nuits, les sorciers vont à la rencontre des loups en forêt qu'ils rendent fidèles.
Un jour, un sorcier de Bruz qui possédait l'art de mener les loups décida de se venger d'un fermier voisin qui mettaient ses chevaux à paitre la nuit dans son champ. Mais le voisin malhônnète en fut informé et se cacha la nuit venue munit d'un fusil, en attendant son rival. Lorsque le sorcier arriva entouré de sa meute, il leur ordonna d'attaquer le troupeau.
Mais à peine eut-il finit sa phrase qu'un coup de feu retentit.
On ne revit jamais le sorcier que ses loups emportèrent chez lui.
Il paraît que le Diable l'emporta

Henry Boguet, célèbre démonologue du XVIème siècle, étudia avec verve et passion les pratiques des adeptes du Mal.

Le "Discours exécrable des sorciers" est une de ses oeuvres principales à travers laquelle il décrit avec une affreuse et profonde haine leurs vices immondes, leur science des poisons, du mal et des malédictions.
Les sorciers de Bretagne ne sont guère plus aimables que ceux du reste du royaume.
On raconte qu'ils se rassemblent en un village du nom de Concoret qui passe pour être leur repère.
Par peur de s'attirer le mauvais oeil, on préfère nommer leur seigneur et maître de "Harpi", de "Grippi" (qui griffe), de "Grand Biquiou" (le bouc), de "Cornik" (le cornu), d'homme aux ongles de fer ou d'homme roux.
Qui sont ces sorciers de Bretagne ? Quelles sont leurs pratiques ? A quels maléfices s'emploient-ils ?





La lune, reine de la nuit, de l'obscurité et des ténèbres, influencerait l'homme de ses maléfices. De nombreuses croyances lui attribuent d'étranges pouvoirs. Ainsi, on raconte près de Morlaix que si une femme se dénude face à la lune, elle prend le risque de tomber enceinte et de concevoir un être satanique.



le monde materiel qui nous entoure fourmille de mille tentations. Malgrè les mises en garde de l'église, le Démon rusé et vicieux traque sournoisement les pauvres et faibles âmes, s'acharnant à les faire sucomber aux convoitises pour mieux les posséder !
"Sorcellerie ce qui vous fait gagner le plaisir escompté.
Sorcellerie ce qui vous fait posséder l'amour désiré.
Sorcellerie ce qui vous fait détruire le bétail envié.
Sorcellerie ce qui vous fait périr l'enemi destesté."

Le pacte est son arme principale.
Seulement l'homme doit se montrer vigilant et jouer d'adresse s'il veut éviter qu'un grand malheur lui arrive.
Un jour, un armateur breton signa un pacte avec le diable. Il lui donnait son âme si Satan l'aidait à faire souffler le vent sur les voiles de ses navires.
Le diable lui conseilla de joindre une île peuplée de vents et de les inviter à monter à bord du navire. L'armateur pris le large, atteignit l'île aux vents et suivit les instructions de Satan. Mais alors que tout l'équipage se distrayait, n'ayant plus besoin de travailler, les vents décuplèrent de puissance, soufflèrent, soufflèrent tant qu'ils perdirent le navire sur les eaux déchaînées. Et depuis ce jour, le navire ère, fantomatique, sur les océans.
A la mort de l'homme damné, l'âme vouée au Diable se transforme.




On raconte à Quintin qu'une jeune femme pactisa avec le Cornik qui l'étrangla aussitôt. On déposa son corps dans un cercueil. Seulement celui-ci était si lourd, qu'il était impossible de le soulever. Lorsqu'on ouvrit la sépulture afin de découvrir le mystère, un chat noir en sortit et s'enfuit en poussant d'effrayants grognements.
Personne n'est à l'abri de la puissance satanique. Pas même ceux qui ont voué leur vie à Dieu !
Un soir de Toussaint, une jeune femme de Bruz, enceinte de sept mois, s'en retournait de confesse. La nuit enveloppait les champs et les hameaux et la jeune femme, par précaution contre d'éventuelles mauvaises rencontres, emprumpta un couteau au boucher du village. Soudain, alors qu'elle pressait le pas pour gagner son logis, un homme masqué se jeta sur elle. Mais avec adresse, elle réussit à lui couper la main. Après la fuite de son agresseur, elle décida de retourner voir le curé du village le lendemain. Mais le curé était souffrant. Et lorsqu'elle rentra dans la chambre du malade, elle découvrit l'homme qui l'avait attaquée la veille. C'était le prêtre qui avait voulu s'emparer de son enfant.