Etranger jusqu'à ma naturalisation, réfugié avec mes parents pendant la guerre, recueilli avec mes frères dans une famille de républicains espagnols, eux-mêmes victimes d'une dictature fasciste, j'ai choisi d'épouser la France. La France des libertés de 1789, qui a pourtant attendu 1848 pour abolir l'esclavage, 1945 pour accorder aux femmes le droit de vote et 1981 pour abolir la peine de mort.
J'aurais pu choisir l'Irlande, pays de ma grand-mère paternelle et de mes rêves d'enfant. J'aurais pu choisir la Belgique, pays de mon père, le plat pays de ma naissance. J'ai choisi la France, pays de ma mère, l'Alsacienne.
Ce pays devenu mien, ce peuple que je représente depuis plus de trois décennies à l'Assemblée nationale, il m'a adopté, il m'a reconnu et il m'a fait l'honneur de me confier des responsabilités publiques. Je lui en suis très reconnaissant et j'en suis fier. Mais rien n'est jamais gagné définitivement. Il m'a fallu confirmer, à plusieurs reprises, la reconnaissance de mon identité nationale. Jusqu'en 1988, alors que je légiférais au nom du peuple français depuis plus de quinze ans, le préfet me demandait encore de prouver ma nationalité française !
Je suis surpris de ressentir un certain réflexe de suspicion de la part de nos responsables politiques face aux citoyens d'origine étrangère. Pourquoi exiger, lors du renouvellement de sa carte d'identité, de prouver sa nationalité quand l'un d'entre nous est né en France, a accompli ses obligations militaires en France, a servi notre pays ou la communauté internationale au nom de la France pour maintenir ou rétablir la paix dans le monde !
Je suis toujours admiratif et ému de percevoir dans les yeux et les mots des citoyens des pays émergents le respect qu'ils nous portent lorsqu'ils découvrent que nous sommes français, issus "du pays des droits de l'homme et du citoyen". Nous répondons à notre image, à notre identité, lorsque nous avons accueilli des boat people vietnamiens qui fuyaient la guerre et la dictature ou lorsque nous avons ouvert nos portes à nos amis libanais lors du conflit entre le Hezbollah et Israël en 2006. Mais nous ne répondons pas à notre vocation, à notre identité, lorsque nous ne trouvons pas d'autres solutions que de renvoyer dans leur pays en guerre des citoyens afghans ou que nous fabriquons des veuves et des orphelins sociaux lorsque nous expulsons le mari, le compagnon, le père d'origine étrangère en situation irrégulière. Il n'est pas question de régulariser massivement, il s'agit seulement de faire preuve de discernement et d'humanité.
Je suis encore subjugué par le dévouement sans borne du monde associatif et la générosité de beaucoup de nos concitoyens bénévoles à l'égard des sans-toit, des sans-papiers, des sans-famille, des sans-emploi, des sans-espoir... Mais nous trahissons notre identité quand les mots et les lois ne sont que des alibis à nos imprévoyances, à nos insuffisances, à nos manques de clairvoyance.
Je suis heureux qu'après beaucoup de prises de conscience difficiles, d'efforts et de courage politique, nous avons réformé la "double peine". Mais je suis scandalisé que notre identité soit entachée lorsque la garde à vue est utilisée comme une arme d'intimidation, la "question" des temps modernes dans notre pays.
J'ai milité pour que les femmes prennent leur juste place dans les institutions de notre pays. Mais beaucoup reste à accomplir pour qu'elles exercent leur identité à part entière aussi bien dans la vie publique que dans la vie économique.
C'est parce que nous aimons la France que nous devons être lucides sur ses grandes qualités mais aussi sur ses grandes faiblesses. Je souscris au projet de transférer les cendres d'Albert Camus au Panthéon, mais n'oublions jamais son appel à "réveiller les consciences".
Etienne Pinte est député des Yvelines (Maire de Versailles )
Le Monde .
J'aurais pu choisir l'Irlande, pays de ma grand-mère paternelle et de mes rêves d'enfant. J'aurais pu choisir la Belgique, pays de mon père, le plat pays de ma naissance. J'ai choisi la France, pays de ma mère, l'Alsacienne.
Ce pays devenu mien, ce peuple que je représente depuis plus de trois décennies à l'Assemblée nationale, il m'a adopté, il m'a reconnu et il m'a fait l'honneur de me confier des responsabilités publiques. Je lui en suis très reconnaissant et j'en suis fier. Mais rien n'est jamais gagné définitivement. Il m'a fallu confirmer, à plusieurs reprises, la reconnaissance de mon identité nationale. Jusqu'en 1988, alors que je légiférais au nom du peuple français depuis plus de quinze ans, le préfet me demandait encore de prouver ma nationalité française !
Je suis surpris de ressentir un certain réflexe de suspicion de la part de nos responsables politiques face aux citoyens d'origine étrangère. Pourquoi exiger, lors du renouvellement de sa carte d'identité, de prouver sa nationalité quand l'un d'entre nous est né en France, a accompli ses obligations militaires en France, a servi notre pays ou la communauté internationale au nom de la France pour maintenir ou rétablir la paix dans le monde !
Je suis toujours admiratif et ému de percevoir dans les yeux et les mots des citoyens des pays émergents le respect qu'ils nous portent lorsqu'ils découvrent que nous sommes français, issus "du pays des droits de l'homme et du citoyen". Nous répondons à notre image, à notre identité, lorsque nous avons accueilli des boat people vietnamiens qui fuyaient la guerre et la dictature ou lorsque nous avons ouvert nos portes à nos amis libanais lors du conflit entre le Hezbollah et Israël en 2006. Mais nous ne répondons pas à notre vocation, à notre identité, lorsque nous ne trouvons pas d'autres solutions que de renvoyer dans leur pays en guerre des citoyens afghans ou que nous fabriquons des veuves et des orphelins sociaux lorsque nous expulsons le mari, le compagnon, le père d'origine étrangère en situation irrégulière. Il n'est pas question de régulariser massivement, il s'agit seulement de faire preuve de discernement et d'humanité.
Je suis encore subjugué par le dévouement sans borne du monde associatif et la générosité de beaucoup de nos concitoyens bénévoles à l'égard des sans-toit, des sans-papiers, des sans-famille, des sans-emploi, des sans-espoir... Mais nous trahissons notre identité quand les mots et les lois ne sont que des alibis à nos imprévoyances, à nos insuffisances, à nos manques de clairvoyance.
Je suis heureux qu'après beaucoup de prises de conscience difficiles, d'efforts et de courage politique, nous avons réformé la "double peine". Mais je suis scandalisé que notre identité soit entachée lorsque la garde à vue est utilisée comme une arme d'intimidation, la "question" des temps modernes dans notre pays.
J'ai milité pour que les femmes prennent leur juste place dans les institutions de notre pays. Mais beaucoup reste à accomplir pour qu'elles exercent leur identité à part entière aussi bien dans la vie publique que dans la vie économique.
C'est parce que nous aimons la France que nous devons être lucides sur ses grandes qualités mais aussi sur ses grandes faiblesses. Je souscris au projet de transférer les cendres d'Albert Camus au Panthéon, mais n'oublions jamais son appel à "réveiller les consciences".
Etienne Pinte est député des Yvelines (Maire de Versailles )
Le Monde .