Jean Luc Lacroix
jeu. 29 févr. 19:39
À
Puisque l'on parle beaucoup de Saint martin dans le Morvan, la Puisaye et toute la Bourgogne, voici son histoire et l'origine de ce que l'on appelle "l'été de la Saint-Martin", au mois de novembre.
Photo : La roche du Pas de l'âne (de Saint Martin) à La Rochemillay.
Saint Martin
Saint Martin, l’ évangélisateur, a joué un rôle immense dans la christianisation de la France : à la fin du siècle dernier, 3675 églises de France étaient sous le vocable de Saint Martin ! On ne compte plus le nombre de villes, villages et hameaux qui portent son nom (voir Saint-Martin-du-Troncsec page…).
Hongrois d’origine, militaire de profession, évêque par vocation, il est presque devenu le patron de la Bourgogne, tant son influence y fut grande.
Fils de militaire et militaire lui-même, on l’envoie en Gaule, où la vie religieuse l’attire de plus en plus. Il quitte l’armée, se fait baptiser, puis devient évêque de Tours. Alors, l’envie de parcourir la Gaule devient de plus en plus forte. C’est ainsi qu’il parvient à Autun et entame la christianisation de la Bourgogne, détruisant sur son passage temples et arbres sacrés, appartenant aux dieux qu’il nomme idoles, et prêchant à qui veut l’entendre la nouvelle religion, même si parfois, le saint ne rencontre pas un accueil très chaleureux. Dans le Nivernais et le Morvan, la fête de Saint Martin revêt une importance particulière : c’est l’époque des baux, des fermages, des entrées en jouissance, des paiements, et tout au long de l’année, le culte du saint se retrouve jusque dans l’intimité des foyers. On le représente occasionnellement accompagné d’une oie, l’oiseau qui aurait révélé sa cachette lorsqu’on le cherchait pour le nommer évêque.
Il est le patron des buveurs de vin et des vignerons. Les maréchaux-ferrants le vénèrent en souvenir de son âne ; quand on part en voyage, on pend un fer à cheval neuf auprès de sa statue ; lorsqu’on revient, on le reprend et le remplace par l’un de ceux qui sont usés. Ce fameux animal, comme son maître, a d’ailleurs donné son nom à de multiples rochers, les Pas de l’Ane.
Les foires de Saint Martin sont très nombreuses dans la région : à cette occasion, on inaugure l’année nouvelle, on embauche des valets de ferme et l’on paye son fermage.
A la Toussaint débute l’Eté de la Saint Martin. C’est à cette époque qu’on transporta le corps de l’évêque de Candes à Tours : il fit si chaud ce jour-là que les roses fleurirent et que la verdure reparut !
Peu à peu, au fur et à mesure que la chrétienté s’étend en Bourgogne, des fontaines et des sources, autrefois lieux de cultes païens, lui sont consacrées. Ces endroits sont parfois des hauts lieux de pèlerinage et l’on s’y rend afin de lutter contre diverses maladies. Plus tard, des chapelles sont construites à proximité de ces sources.
Aujourd’hui, il reste dans la région de nombreuses églises dédiées à Saint Martin, ainsi que des légendes qui le mettent en scène.
L’été de la Saint-Martin
Souvent, aux alentours du onze novembre, date anniversaire des obsèques de Saint Martin, le temps se montre doux et clément. Un magnifique soleil, presque oublié auparavant, réapparaît dans le ciel de Bourgogne. Parfois même, des primevères pointent leur nez dans les jardins, comme si, subitement, les beaux jours revenaient. Même si, souvent, il gèle un peu le matin, les après-midi sont plutôt chauds. Les gens renaissent, l’hiver semble encore très loin.
On nomme cette délicieuse période « l’été de la Saint-Martin ».
Un jour, dans le village de Saint-Martin-sur-Nohain, nommé jadis Saint-Martin-du-Tronsec, le saint, ayant beaucoup voyagé et prêché tout son saoul durant la belle saison, s’aperçoit, horrifié, qu’il a oublié de rentrer son foin en temps utile. Ce jour-là, le ciel est gris. Un vent glacial souffle sur la région et un brouillard épais enveloppe bois et prairies.
• Mon Dieu ! se dit-il. Comment vais-je donc faire ? Mon pauvre âne risque, par ma faute, de mourir de faim ! Je suis un monstre ! Seigneur ! Venez-moi en aide, je vous prie !
Alors Dieu, dans sa grande bonté, a pitié de l’animal et de son maître désespéré.
• Soleil ! ordonne-t-Il. Réchauffe sur-le-champ la prairie de mon bon serviteur afin de lui permettre de rentrer son foin.
Soudain, le brouillard se fait moins dense ; des rayons timides apparaissent. Le ciel devient de plus en plus bleu, jusqu’à ce qu’enfin domine le soleil. La bise cesse brusquement. Une douce chaleur réchauffe les âmes et les cœurs.
Saint Martin observe à genoux, les mains jointes, le spectacle divin. « Merci mon Dieu », murmure-t-il.
Puis il se relève et se dirige, muni d’une faux, vers sa petite prairie.
Quinze jours plus tard, Saint Martin a rentré une abondante quantité de foin. Le lendemain, l’hiver et le gel sont de retour. Mais le brave chrétien s’en moque : il sait qu’il pourra nourrir son âme durant toute la saison.