Horace et la Peste Noire.
Ah mon cousin après deux longs mois de silence , ce n’est qu’a présent que ma missive puisse espérer partir vers votre demeure…
Je ne sais ce qu’il en est de votre contrée mais ici, à Paris alors que nous apprêtions à supporter quelques giboulées de mars, voici qu’au soir d’un funeste jour , l’on vit apparaître dans les étranges lucarnes de nos logis, notre monarque tout endimanché mais avec la mine triste et austère qui nous annonça sans plus attendre que nous étions en guerre… Une guerre contre un ennemi invisible mais bien présent et que d’ors et déjà c’est à pleines brouettes que l’on transportait des cadavres morts sans champ de bataille… Il en arrivait de partout dans le Nord au point qu’en pas même 5 jours, l’on décida de demander à notre valeureuse armée de monter un hôpital de campagne car ceux de nos villes déjà engorgées de toute la misère du monde ne savaient plus trop où mettre les mourants arrivant en foule dans l’espoir que les savants en blouses blanches puissent les aider à respirer encore un peu.
Ils essayaient bien, cependant les machines manquaient, les hommes et femmes du front manquaient aussi et leurs armes désuètes ne pouvaient vraiment pas grand chose pour ces malheureux frappés comme par la foudre mais sans le moindre bruit… Très vite, partout , la mort rôdait.
La faucheuse, ivre de puissance s’en donnait à cœur joie et même les cercueils venaient à manquer.
Le grand Manitou nous avait interdit de sortir de nos tanières car sans jamais l’avouer, il n’avait aucune autre protection à nous proposer . Nous l’entendions juste certain soir ou bien il faisait parler ses Ministres qui se faisaient tous rassurants mais en fait, ne comprendraient quasiment rien à la chose…
Dans les pays du soleil levant et du matin calme on connaissait cette forme de Peste et leurs populations avaient l’habitude pour s’en protéger de porter d’étrange bandes de papier se soie leur cachant les deux tiers du visage. Comme ils se ressemblent tous, pour nous européens ,ceci n’avait point d’importance mais quant à nous, il nous en aurait aussi fallu….. Mais que nenni mon cousin, point de ces attributs dans les réserves du royaume… Alors on décida que c’était sans grand intérêt, qu’il fallait juste garder le lit si forte fièvre et surtout ne pas sortir de chez soit.
Apeurée, la populace aussi surprise qu’incrédule obéit cependant à la chose…
Il fallait voir mon cousin ces rues vides, sans un bruit dès l’aube jusqu’à la tombée de la nuit… On ne voyait plus dans le ciel un seul de ces grands oiseaux métallique brillants aux rayons du soleil….
Nous n’entendions plus que le chant des oiseaux , si comme moi on avait la chance d’habiter prés d’un des squares de ce grand jardin du Luxembourg…Tout était d’ailleurs fermé, impossible d’aller y flâner, impossible d’aller tenter séduire la coquine en promenade… Quoique avec ces bandes de tissu, la surprise risquait fort d’être désagréable ….Pour les deux…
Le temps passait et les mensonges s’accumulaient. Bientôt, on nous montra dans nos étranges lucarnes de gros avions transportant des tonnes de ces étranges masques en papier de soie et l’on se voulait rassurant quand à leur distribution pour tous disaient les personnes toujours bien informées tenant microphone, ils les avaient fixés au bout de manches à balai pour demander l’avis des rares quidams osant braver l’interdiction de sortir…De peur de se faire infecter.
Il faut dire que ces gens du château sont un peu comme M Tartuffe car nous ne devions absolument pas sortir sauf pour aller faire nos courses de subsistance et tandis que les étals étaient fermés, ces étals pourtant à ciel ouvert ! Alors où allions nous mon cousin? Hé bien dans ces grands hangars de distribution apatrides qui nous inondent de tout ce que la planète produit…Ruinant nos producteurs.
Je regardais tout ce petit monde enfermé, qui, muni d’un laisser passer un peu comme les lettres de cachet du Roi mais imprimées par eux même sur des machines magiques chinoises bravaient la mort sans le savoir pour acheter une miche de pain et trois carottes…. Les uns, masqués comme au temps du carnaval , les autres sans rien, s’imaginant que tout ceci était juste fantaisie passagère.
Cependant, bien vite, chaque soir nous étions informés de l’avancée de l’ennemi invisible.
Les cadavres par dizaines puis par centaines effrayaient les plus courageux tapis dans leur chaumières…
Tout la haut, au château, la Ministre des hospices dû démissionner vite remplacée par un illustre inconnu ayant belle prestance et parole affirmée…Peu rassurés , nous attendions nos masques puisque dans cette guerre, à part cela, il nous semblait que rien n’opérait faute d’armes
Ha mon cousin, je n’ai jamais vu autant d’agitation chez les gens du château il ne fallait pas sortir ni à pied, ni en carrosse car les vigiles de la police du roi veillait partout et à toutes heures! La plupart eux aussi dépourvus de masques, quelle mascarade. Zélés et mécontents des risques de la chose, ils ne faisaient pas de quartier mon cousin et les pique-bourses étaient à chaque croisement!
Puis enfin, lorsque ces bouts de tissus appelés masques arrivèrent enfin en quantité pour la populace…Le château décréta qu’ils étaient devenus indispensables et ce, en tous lieux ou presque!
La tartuferie continuait dans le silence d’une population complètement conditionnée…
Elle réclamait de quoi vivre et ma fois, le grand Manitou qui d’habitude est très prés des caisses du trésor , prêt à toutes les vilenies pour en avoir encore plus…Ouvrit grand ses bras et ses caisses pour assurer que personne ne serait oublié dans le royaume…
Comme vous le savez mon cousin, les paroles …S’envolent et ne reste que les actes, devenus bien souvent utopiques… Les notaires et les banques devenues toutes un peu assureurs du fait que les taux d’usure sont ridiculement bas refusaient de payer quoi que ce soit, se disant que la terre des survivants serait bien suffisante pour eux…
Puis le temps passa, l’invincible ennemi ne parti point, mais comme souvent, nous nous habituâmes, on s’habitue à tout mon cousin, même au pire. C’est ce que je vous conterai prochainement tout en vous recommandant de ne sortir que ganté et bien masqué comme lorsque nous fêtions le Mardi Gras de notre enfance.
A bientôt mon cousin et portez vous bien.
Il y aura une suite si cela vous plait...