A la suite de l’arbitrage controversé lui octroyant 403 millions d’euros pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais, Bernard Tapie a été mis en examen le 28 juin pour escroquerie en bande organisée. Il lance ici sa contre-attaque qui, en cas de succès judiciaire, pourrait coûter encore plus cher à l’Etat. - Reuters
Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir bénéficié, voire initié, en 2009, une ristourne du fisc sur vos indemnités d’arbitrage ?
Une ristourne ? De qui se moque-t-on ? Les impôts liés à l’arbitrage ont été payés sur la base imposée par l’administration fiscale et contrôlés au plus haut niveau de Bercy, après d’ailleurs une consultation qui a été faite par eux auprès du conseiller d’Etat Olivier Fouquet's. Un grand nombre de réunions, environ une douzaine, se sont tenues entre les représentants de l’administration, les représentants du Bureau Francis Lefebvre et les liquidateurs et leurs avocats. Je n’ai été invité qu’à une seule réunion. A cette occasion, on m’a signifié que Bercy n’était pas d’accord avec l’analyse du Bureau Francis Lefebvre. Qu’avaient-dit ces experts mandatés non pas par moi mais par les liquidateurs ? Que mes indemnités n’étaient pas assimilables à des dommages et intérêts. Elles ne pouvaient donc pas relever de l’impôt sur les sociétés mais de la fiscalité sur les plus-values. Je précise que le 20 septembre 2013, le Conseil d’Etat, dans une affaire absolument similaire, a confirmé l’analyse du Bureau Francis Lefebvre. J’ai donc payé 7 millions d’euros en trop. J’ajoute que le jour où je me distribuerai l’indemnité que GBT (1) a touché de l’arbitrage, je paierai de nouveau 40 à 50 millions d’euros d’impôts.
Claude Guéant est-il intervenu en votre faveur ?
Claude Guéant, qui est par ailleurs un fonctionnaire de haute qualité, s’y connaît en fiscalité comme moi en numismatique. Quand il était secrétaire général de l’Elysée, s’il est intervenu, cela ne pouvait pas être pour influencer la décision de Bercy. Il n’en avait ni l’envie, ni la compétence, ni le pouvoir.
Revenons à la procédure d’arbitrage. Au vu du dossier d’instruction, que pouvez-nous dire de nouveau sur la nature de vos liens avec Pierre Estoup ?
Pierre Estoup, je ne l’avais jamais vu avant l’arbitrage. J’ai connu André Guelfi pendant ma détention à la Santé. A ma sortie, il m’a gentiment proposé de m’aider en me prenant avec lui dans une société qui facilitait l’implantation de grandes compagnies françaises en Russie. Son avocat, Francis Chouraqui, a rédigé les protocoles d’accord, mais s’est inquiété que mon image de l’époque soit plus un handicap qu’un avantage pour Guelfi. Francis Chouraqui, je l’ai appris beaucoup plus tard, consultait régulièrement Pierre Estoup, ancien président de la Cour d’appel de Versailles. Et c’est à lui qu’il s’est adressé pour vérifier si j’étais quelqu’un en qui on pouvait avoir confiance. J’ai appris tout cela le jour où une collaboratrice de Chouraqui, qui n’a jamais été mon avocat personnel, est venue m’apporter une dizaine d’exemplaires de mon livre « Librement » pour les signer. Et, à la demande formulée sur M. Estoup, elle m’a dit « vous avez de la chance » car ce magistrat a rassuré Me Chouraqui. J’avoue que, traîné dans la boue comme je l’ai été à cette époque, qu’un magistrat me permette de sortir la tête de l’eau grâce à l’enquête qu’il avait bien voulu faire méritait bien cette dédicace élogieuse, dans laquelle d’ailleurs j’ai estropié son nom que j’entendais pour la première fois. Ma relation avec Estoup commence et s’arrête là. D’ailleurs, il y tenait tellement, à mon livre, qu’il a été trouvé chez sa fille, neuf et jamais ouvert !
Votre avocat, Maurice Lantourne, avait, lui, sollicité Pierre Estoup à trois reprises dans de précédentes affaires d’arbitrage...
A trois ou quatre reprises entre 1999 et 2001. Dans sa vie, Pierre Estoup, m’a-t-on dit, a participé à plus de 200 arbitrages. Néanmoins, la question essentielle posée par le CDR était : il y a-t-il eu une dépendance financière en lui et Maurice Lantourne au cours des dix dernières années ? Le CDR a demandé au cabinet d’avocats White & Case d’auditer les comptes d’Estoup : naturellement, ils n’ont rien trouvé.
Selon des propos rapportés par la presse, Pierre Mazeaud, qui présidait le tribunal arbitral, aurait dit aux enquêteurs être convaincu qu’il y a eu « escroquerie »...
Effectivement, la presse s’est fait l’écho d’une info selon laquelle Pierre Mazeaud aurait admis pendant son audition devant la police que cette affaire sentait l’escroquerie. Or, je peux vous faire une révélation qui est contenue dans le procès-verbal de son audition. Quand le policier lui demande de préciser ce qu’il voulait dire, Pierre Mazeaud désigne l’escroc comme étant Jean Peyrelevade, à l’époque président du Lyonnais. Il dit clairement que c’est Peyrelevade l’escroc qui a voulu s’approprier Adidas. Preuve en est que, cet été, Jean Peyrelevade a envoyé un émissaire, Pierre Habib-Deloncle, dire à Mazeaud de faire très attention à ses dépositions. Et que Peyrelevade pourrait l’aider s’il avait des ennuis. A la suite de cette intervention, une plainte pour menace a été déposée contre lui par Pierre Mazeaud. Dans l’affaire Adidas, le voleur, ce n’est pas moi, c’est Peyrelevade.
Aujourd’hui, avez-vous toujours l’espoir d’obtenir justice ?
Evidemment. Même si j’ai face à moi tout l’appareil d’Etat, un Etat socialiste qui, au nom de la justice et de la morale, bafoue en toute conscience les principes élémentaires du droit. Mais, évidemment, j’ai bon espoir. Depuis 1995, les tribunaux m’ont toujours donné raison ! J’ajoute que, ayant obtenu en 2009 la révision du jugement de liquidation, fait rarissime, si l’arbitrage était annulé, tous les effets de la liquidation étant annulés, je serais en mesure de récupérer les actions de BTF (2) que la liquidation des biens m’avait saisies et je serais habilité de ce fait à demander l’annulation de la vente des actions d’Adidas compte tenu du non-respect par le Lyonnais du mandat de vente qui lui avait été donné. Je laisse aux professionnels le soin d’évaluer le risque pour l’Etat.
N’y aurait-il pas, alors, prescription ?
Non, pour plusieurs raisons. D’abord, la demande d’annulation de la vente d’Adidas n’est pas prescrite, car elle a été bloquée par l’arbitrage. Ensuite, la révision du jugement sur GBT date de 2009, soit moins de cinq ans, et n’est donc pas prescrite. Et je vais entreprendre une action subsidiaire pour repousser la prescription.
On parle d’un cabinet noir à l’Elysée qui aurait cherché des informations vous concernant, vous et Nicolas Sarkozy. Ont-ils pu trouver quelque chose ?
S’ils avaient trouvé quoi que ce soit, rassurez-vous, ça aurait fait la une de certains journaux. Que la gauche cherche à nuire à Nicolas Sarkozy, je n’ai pas attendu cette information pour m’en rendre compte. C’est la règle en politique, d’ailleurs c’est la droite qui m’a mis en liquidation en 1995 pour m’empêcher d’être maire de Marseille. Dans cette histoire, je trouve délirant qu’aucun des vingt avocats qui consultent les dossiers chez les juges n’ait eu connaissance de leurs réquisitions, que le journal « Le Monde » possède depuis avril 2013 ! Enfin, les moyens mis en œuvre dans cette affaire sont hallucinants. La semaine dernière, les policiers sont allés interroger à Rennes un de mes employés saisonniers pour savoir qui était venu déjeuner ou dîner chez moi pendant mes vacances. Parfois, j’ai l’impression que c’est pas Bernard Tapie mais Ben Laden qu’on cherche.
Vous avez déclaré récemment que vous étiez prêt à mettre 20 à 25 millions d’euros dans le groupe Nice-Matin/La Provence. D’où vient l’argent ?
Quand on m’a proposé d’entrer au capital de Groupe Hersant Média, il a fallu que j’apporte 20 millions d’euros pour racheter les créances des banques, plus 5 millions d’euros que j’ai mis en réserve, et bien m’en a pris, pour payer les salaires. Et je me suis engagé à mettre entre 20 et 25 millions d’euros de plus pour assurer le développement de l’entreprise et sa pérennité. Je m’y suis engagé devant le ministère de l’Industrie, le tribunal de commerce, les banques et les syndicats. Dieu merci, les juges n’ont pas saisi les biens qui n’ont pas été acquis avec l’argent de l’arbitrage. Heureusement, ces actifs suffisent à couvrir les investissements dont j’ai besoin.
Pour les 20 premiers millions d’euros, j’ai hypothéqué ma maison de Saint-Tropez. Et je ne vais pas hésiter à hypothéquer mon hôtel particulier de la rue des Saint-Pères, auquel je tiens tellement, pour assurer la sauvegarde du groupe et sauver 2.500 emplois. Je pense que Philippe Hersant est prêt à faire la même chose. J’entends dire qu’il cherche un investisseur. S’il ne le trouve pas, nous serons bien entendu contraints de nous séparer. Une décision sera prise avant fin novembre.
Vous croyez donc à l’avenir de la presse écrite...
Je crois à l’avenir de MA presse écrite. Pourquoi ? « Paris » est le premier nom français le plus connu dans le monde, le troisième est le mot « Provence ». Bien entendu, « Provence », pour le monde entier, va de Monaco à Avignon. Pour les étrangers, c’est le symbole de la fête, de la mer, du soleil, du Grand Prix de Monaco, du festival de Cannes, des vedettes à Saint-Tropez… Bref, le lieu où tout le monde a envie de vivre, le lieu qui fait rêver. Et je peux vous dire que cette marque vaut pour moi largement autant que Dior, le Ritz ou Cartier. C’est à partir de ce nom que l’on développera de l’image, de l’événement et des services, et pas seulement pour la France. J’y crois tellement que je suis prêt à faire « tapis ».
(1) Groupe Bernard Tapie est le holding patrimonial de Bernard Tapie. (2) Détenu par GBT, Bernard Tapie Finance était propriétaire d’Adidas.
SOURCE :
Je suis loin d'apprécier cet individu , mais force est de constater qu'il est loin d'avoir tord ; enfin , pour un ancien gauchos ayant bien profité du système sociolo , c'est aujourd'hui l'arroseur arrosé !!! :lol: