Les magistrats de Karlsruhe ont rejeté le programme de rachat de dettes publiques lancé face à la crise sanitaire, mettant dangereusement en cause les principes de droit fondant l’Union européenne.
La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, c’est le rigide Fernand Naudin des Tontons flingueurs qui colle un «bourre-pif» dans la tronche de Raoul Volfoni «en pleine paix». Mardi, les juges allemands ont rendu un arrêt d’une brutalité inouïe, qui remet en cause tant le droit de la Banque centrale européenne (BCE) de racheter de la dette publique des Etats que le principe de primauté du droit européen sur le droit national. Autant dire qu’ils ont pris le risque d’éparpiller par petits bouts façon puzzle l’euro et l’Union, au moment même où elle est fragilisée par une récession sans précédent en temps de paix.
La Cour de Karlsruhe s’est prononcée sur le programme PSPP, l’assouplissement quantitatif européen, lancé en mars 2015 par la BCE face aux risques déflationnistes qui menaçaient alors la zone euro. Lors de sa suspension en décembre 2018, la Banque centrale européenne détenait dans ses coffres 2 600 milliards d’euros d’obligations. Ce programme a été réactivé en novembre dernier, l’inflation restant toujours à un niveau très inférieur à son objectif de politique monétaire de 2 %. Depuis le début de la crise du coronavirus, un nouveau programme de rachats de dettes d’Etat (PEPP, programme d’urgence contre la pandémie) a été lancé à hauteur de 750 milliards d’euros afin de soutenir les pays les plus touchés.
Faucons
Il faut bien voir que toutes les interventions de la BCE depuis 2010, date du début de la crise de la zone euro, ont été vertement critiquées par les monétaristes allemands qui dominent la scène économique et politique depuis 1949. A chaque fois que l’institution d’émission européenne s’est éloignée de l’héritage de la Bundesbank, l’opposition a été violente : en dix ans, deux membres allemands du directoire de la BCE et un président de la Buba ont démissionné, et le patron de la banque centrale allemande a voté contre toutes les interventions de la BCE sur le marché de la dette publique… Pourquoi ? Parce que pour ces faucons, cela revient à financer, même indirectement, les Etats et donc à interférer dans la politique budgétaire : si un gouvernement est certain qu’il obtiendra de bas taux d’intérêt grâce à l’action de la BCE, il ne mènera pas une politique budgétaire saine puisqu’il sera certain de toujours pouvoir se financer. Et, comble de l’horreur, cela alimentera l’inflation…
Méprisant
La cour de Karlsruhe, saisie de la légalité du PSPP, a demandé son avis à la Cour de justice européenne (CJE). Rien de plus normal, puisque c’est le juge suprême de la bonne application du droit communautaire, celui qui assure que son interprétation est bien la même dans l’ensemble des Etats membres. Cette demande est d’autant plus impérative que la politique monétaire est l’une des rares compétences exclusives de l’UE. Le 11 décembre 2018, les juges de la CJE ont jugé sans surprise que le PSPP était conforme au droit de l’Union et n’enfreignait pas l’interdiction du financement monétaire des Etats, prévu par l’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’UE.
Normalement, la cour de Karlsruhe aurait dû prendre acte de l’arrêt de la CJE. Ce qu’elle a refusé de faire sur un ton méprisant, jugeant sa décision «incompréhensible» ! Elle estime donc qu’il lui revient de contrôler elle-même la légalité des décisions de la BCE. Il faut bien mesurer la gravité de cette décision : les autres Cours suprêmes de l’Union reconnaissant la supériorité de la CJE, cela signifie que les juges allemands, qui ont toujours détesté l’Europe, s’érigent en Cour suprême de l’Union, ce qui est politiquement et juridiquement inacceptable par les autres Etats membres. En réalité, c’est toute l’architecture européenne qui est menacée : si les tribunaux nationaux s’alignent sur Karlsruhe et décident à chaque fois si les décisions de la CJE leur conviennent ou pas, il n’y aura plus aucune unité d’interprétation du droit européen, ce qui signera la fin de la construction communautaire.
Epargnants
Bien entendu, la cour de Karlsruhe ne s’attaque pas directement à la BCE. Elle exige que le gouvernement allemand lui demande, dans les trois mois, des explications pour qu’elle démontre qu’elle n’a pas confondu politique monétaire et politique économique et budgétaire, une distinction qui n’a pourtant guère de sens. La cour de Karlsruhe soupçonne la BCE, et c’est proprement hallucinant, d’avoir «inconditionnellement» cherché à maintenir la stabilité des prix «en ignorant ses effets sur la politique économique», «l’épargne privée [ayant] subi des pertes considérables». Autrement dit, la question n’est plus l’inflation, pourtant une obsession allemande inscrite dans les traités européens, mais la ruine des épargnants…
Si Karlsruhe n’est pas convaincue par les explications de la BCE, elle menace de donner l’ordre à la Bundesbank de ne plus acheter, pour le compte de la BCE, des obligations publiques allemandes (25% des achats) et elle devra se séparer de celles qu’elle détient. Certes, les autres banques centrales nationales pourront se substituer à elle, mais la crédibilité de l’action de la BCE sera minée. Bref, une poignée de juges allemands pourraient bien avoir eu la peau de l’euro et de l’Union.
liberation.fr
Je ne me réjouis pas trop vite parce que ce n'est pas la première crise et que l'Union-Européenne par des circonvolutions de serpents arrive toujours à s'en sortir mais c'est quand même intéressant de voir que même les allemands commencent à en avoir marre du fonctionnement de cette Europe.
Les juges et les baques allemandes commence à ressentir les méfaits de l'U.E. sur le peuple et son train de vie ainsi que sur les fond de pensions qui risquent de créer une catastrophe en Allemagne d'ici peu.
Est-ce que les juges allemands présentent la colère des peuples de l'U.E. et qu'ils souhaitent prendre de l'avance dans l'explosion de l'U.E. ? Est-ce des pressions supplémentaire pour que l'Allemagne obtienne encore plus de pouvoir de l'U.E ?
Dossier à suivre.