Cette fois ci ce n'est plus de la rigolade
> Les mairies françaises refusent le mariage civil d’un Français avec une
> Marocaine s’il ne s’est pas converti à l’islam.
>
> Quand Frédéric Gilbert, journaliste télé, a voulu épouser sa compagne
> marocaine et mère de son enfant, il était loin d’imaginer le délire administratif
> qui l’attendait.
>
> Après avoir retiré un dossier de demande de mariage à la mairie
> d’Aubervilliers, il découvre, parmi la paperasserie habituelle, un document
> énigmatique, intitulé «certificat de coutume». Une pièce à se procurer auprès
> du consulat du Maroc, que «tous les couples franco-marocains nous
> fournissent, tous les jours», lui explique l’officier d’état civil. Confiant, Frédéric
> Gilbert se rend donc au consulat, où il apprend, éberlué, que l’obtention de
> ce très anodin «certificat de coutume» est en fait conditionnée à une petite
> formalité : la fourniture d’un «Acte de conversion à l’islam».
>
> Refusant catégoriquement de se soumettre à cette conversion express, le
> mécréant repart dare-dare vers la mairie républicaine et laïque d’Aubervilliers.
> Et là, figé sur place, il s’entend délivrer un verdict administratif sans appel:
> pas de mariage civil sans certificat de coutume! …Sans conversion à l’islam,
> donc.
>
> Sous le choc, le postulant au mariage épluche le Code civil et découvre que
> ce certificat de coutume n’est en rien une obligation. Il peut éventuellement
> servir à vérifier l’état de célibat d’une personne étrangère si, comme il arrive
> dans certains pays, les mariages et les divorces ne sont pas inscrits en
> marge de l’acte de naissance. Un cas de figure qui, en l’occurrence, ne le
> concerne en rien, puisque sa future épouse est en possession d’un certificat
> officiel de célibat.
>
> Mais non, l’affaire est entendue, l’officier d’état civil de la mairie d’Aubervilliers
> reste inflexible. Frédéric Gilbert doit arrêter d’emmerder le monde: «Vous
> n’avez qu’à faire semblant comme les autres, et devenir musulman sur le
> papier, mais pas pratiquant.»
>
> Incrédule, Frédéric Gilbert se renseigne auprès de plusieurs mairies. Même
> réponse. «Autrement dit, la loi marocaine prévaut sur la loi française! Et c’est
> la même chose avec la Tunisie, l’Algérie et l’Égypte.»
>
> En poursuivant son enquête, il découvre alors avec effarement que tous ses
> copains mariés à des musulmanes sont devenus musulmans «sur le papier».
>
> C’est si simple! Une conversion se fait dans n’importe quelle mosquée en trois
> minutes. Il suffit de prononcer «avec conviction et avec cœur» cette phrase:
> «Je reconnais qu’il n’y a de dieu qu’Allah et que Mahomet est son prophète»,
> et l’imam décide que vous êtes devenu musulman.
> «Si j’étais raisonnable, c’est ce que je ferais, s’énerve Frédéric. On n’aurait
> plus de problèmes avec l’administration française ou marocaine. Et je boirais
> de l’alcool et boufferais du cochon dix fois plus que d’habitude pour montrer
> mon indépendance.»
> Mais Frédéric n’est pas raisonnable. Profondément de gauche, il n’a rien
> contre l’islam et respecte la foi de sa femme. «Mais je n’ai jamais été
> musulman, ni catholique, ni juif, ni d’aucune religion, et je n’ai pas envie de
> l’être.» Et, vu son histoire personnelle, ça n’est pas près de changer.
> «Je suis fils de curé, mon père a été excommunié, il est devenu professeur
> de lettres classiques dans des lycées républicains, il a brandi bien haut la
> laïcité et m’a élevé dans cet esprit-là. Je n’ai aucun lien avec la religion et
> ce n’est pas demain qu’on va m’imposer de devenir musulman contre mon
> gré!» Malgré tous les problèmes que ça peut lui causer au Maroc et qu’il
> connaît déjà par cœur…
>
> Les maires français plus royalistes que le roi du Maroc
> «Quand ma compagne a accouché à l’hôpital de Casablanca, de
> jumelles prématurées, les petites sont restées dix-huit heures sans
> qu’on daigne leur donner les premiers soins, parce que c’étaient les filles
> d’une mère célibataire et d’un mécréant. Elles n’ont pas été intubées, pas
> de couveuse, on ne les a pas mises au chaud…»
>
> Face à cet abandon, le couple se démène pour trouver une clinique privée
> qui accepte de les prendre en charge, à 500 euros la journée. «Finalement,
> l’une des deux petites est morte au bout de quatre jours. Mais je n’ai pas pu
> faire le deuil de ma fille, parce que, en tant que non-musulman, je n’ai pas
> eu le droit d’aller au cimetière…»
>
> Au moment de déclarer leur deuxième fille, nouveau choc: «On a refusé que
> je le fasse parce que je ne suis pas marié et pas musulman.» Le consulat
> de France leur conseille alors une tactique assez courante: la maman
> déclare que l’enfant est né de père inconnu auprès des autorités marocaines.
> Le nom de la mère n’étant pas transmissible, on lui donnera un prénom,
> assorti d’un X et Frédéric n’aura plus qu’à se rendre au consulat de France
> pour reconnaître sa fille, qui deviendra française.
>
> Sauf que le jour où la fiche d’état civil leur est remise, le couple découvre
> qu’on a changé le prénom de leur fille et qu’on lui a attribué un père,
> dénommé Abdula Mossaid. D’où sort ce père inconnu? Nul ne le sait.
> «Je pense qu’on l’a inventé parce qu’il fallait un père musulman pour que
> la petite soit musulmane. Donc, ma fille était devenue la fille d’un autre.»
>
> Retour furibard de Frédéric au service d’état civil marocain: «Bonjour, je
> m’appelle Frédéric Gilbert, mais visiblement mes couilles s’appellent Abdula
> Mossaid!» La bataille durera quatre jours.
> «Tout s’est terminé dans le bureau du préfet à qui j’ai failli casser la gueule
> quand il m’a dit, en désignant la maman de mon bébé: «Je vous comprends,
> mais tout ça, c’est à cause de cette pute et c’est elle que je vais mettre en
> prison.» N’oublions pas qu’au Maroc toute relation hors mariage est un délit.»
>
> Finalement, Frédéric réussit à avoir gain de cause.
>
> Aux dernières nouvelles, un élu d’Aubervilliers leur a fait savoir que le
> dossier serait étudié «étape par étape» par le service juridique de la mairie.
>
> Frédéric ne lâche rien. «Juridiquement, il n’y a rien à changer, il y a juste à
> dire aux maires : arrêtez vos conneries. J’ai réussi à être le père de ma fille,
> ce n’est quand même pas une Mairie "française" qui va m’empêcher d’être
> le mari de ma femme!»