(24h en ligne)
[quote]Vainqueur des élections législatives du 10 juin, le chrétien-démocrate flamand Yves Leterme n'a pas réussi à former un gouvernement de centre-droit, faute d'accord entre francophones et néerlandophones sur le futur visage de la Belgique.
"Les francophones doivent plus que jamais savoir qu'après cette crise, ils ne pourront échapper à un dialogue au sujet d'une réforme de l'Etat. Ceux qui refusent un fédéralisme approfondi pourraient bien devenir les précurseurs du séparatisme", a tonné vendredi l'éditorialiste du quotidien néerlandophone De Standaard.
Depuis 10 ans, les élus de la Région flamande, la plus prospère de la Belgique fédérale, dévoilent progressivement leur vision d'un pays où le pouvoir fédéral n'aurait plus qu'un rôle marginal, selon le politologue Jean Faniel.
La Belgique deviendrait ainsi une "confédération" composée de la Flandre (nord, néerlandophone), de la Wallonie (sud, francophone), et de Bruxelles (très majoritairement francophone). Dans un avenir plus ou moins lointain, ces trois régions n'auraient plus en commun que quelques compétences, comme la politique étrangère.
Dans l'immédiat, la Flandre, dont l'économie est basée sur une multitude de PME, souhaite pouvoir diminuer l'impôt sur les sociétés, une politique dont risquent de pâtir ses voisins.
Conscients de parler une langue majoritaire en Belgique mais minoritaire dans le monde, les Flamands voudraient également pouvoir imposer leurs propres critères d'acquisition de la nationalité belge, la conditionnant à la connaissance du néerlandais.
Pour atteindre ces objectifs, les Flamands ont besoin de l'accord des francophones au Parlement fédéral. Mais ces derniers ont jusqu'ici dit "non" à tout, souligne Jean Faniel.
Car les vieilles rancoeurs persistant. Après l'indépendance de la Belgique en 1830, la bourgeoisie s'exprimant en français a dominé le jeune royaume, considérant les Flamands comme des paysans ne s'exprimant qu'en patois vulgaire.
Depuis les années 1960, la situation a cependant progressivement basculé avec l'apparition d'une nouvelle "élite" flamande: le grand couturier Dries Van Noten ou le metteur en scène Jan Fabre, ainsi que tous les Premiers ministres belges depuis 30 ans, sont des Flamands.
Au même moment, la Wallonie voyait son économie, fondée sur la sidérurgie, s'effondrer, sans pour autant que ses élites ne se mettent à l'apprentissage du néerlandais.
Malgré les succès de la Flandre, les Flamands redoutent toujours que les Bruxellois, francisés depuis des siècles, ne fassent "tache d'huile" en s'installant toujours plus nombreux en Flandre.
C'est pourquoi ils réclament que soit "scind" le seul arrondissement électoral bilingue du royaume, qui comprend Bruxelles et les régions de Hal et de Vilvorde, dont l'existence remet selon eux en cause une autonomie culturelle chèrement acquise.
Les Bruxellois et les Wallons s'accrochent à ce symbole du lien qui les unit aux francophones établis en Flandre.
"Comme dans un couple qui se dispute, il est difficile de dire qui a tort et qui a raison", souligne M. Faniel. "Si l'on n'est pas encore dans la phase de séparation, il est très difficile de trouver une voie médiane", ajoute le politologue.