Premier sourire du printemps
Tandis qu'à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement, lorsque tout dort,
Il repasse les collerettes
Et cisèle les boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
ll s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose,
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.
Puis, lorsque sa besogne est faite,
Et que son règne va finir,
Au seuil d'avril, tournant la tête,
Il dit : "Printemps, tu peux venir."
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Les soleils de Novembre
(extrait)
Un beau ciel de novembre aux clartés automnales
Baignait de ses tiédeurs les vallons vaporeux ;
Les feux du jour buvaient les gouttes matinales
Qui scintillaient dans l’herbe au bord des champs pierreux.
Les coteaux de Lormont, où s’effeuillaient les vignes,
Étageaient leurs versants jaunis sous le ciel clair ;
Vers l’orient fuyaient et se perdaient leurs lignes
En des lointains profonds et bleus comme la mer.
Lente et faible, la brise avait des plaintes douces
En passant sous les bois à demi dépouillés ;
L’une après l’une au vent tombaient les feuilles rousses,
Elles tombaient sans bruit sur les gazons mouillés.
Hélas ! plus d’hirondelles au toit brun des chaumières,
Plus de vol printanier égayant l’horizon ;
Dans l’air pâle, émanant ses tranquilles lumières,
Rayonnait l’astre d’or de l’arrière-saison.
La terre pacifique, aux rêveuses mollesses,
Après l’âpre labeur des étés florissants,
Semblait goûter, pareille aux sereines vieillesses,
Les tièdes voluptés des soleils finissants.
Avant les froids prochains, antique Nourricière,
Repose-toi, souris à tes champs moissonnés !
Heureux qui, l’âme en paix au bout de sa carrière,
Peut comme toi sourire à ses jours terminés !
Auguste Lacaussade, Les Automnales (1876)
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Vive l'automne
Dans le parc aux lointains voilés de brume, sous
Les grands arbres d’où tombe avec un bruit très doux
L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude,
Sous le ciel pâlissant comme de lassitude,
Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, à pas lents,
Bercer l’été qui meurt dans nos coeurs indolents.
Nous marcherons parmi les muettes allées ;
Et cet amer parfum qu’ont les herbes foulées,
Et ce silence, et ce grand charme langoureux
Que verse en nous l’automne exquis et douloureux
Et qui sort des jardins, des bois, des eaux, des arbres
Et des parterres nus où grelottent les marbres,
Baignera doucement notre âme tout un jour,
Comme un mouchoir ancien qui sent encor l’amour.
Albert Samain
Le Chariot d'or
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J'aime bien le mois de juin
C'est celui des cerises
Des longues journées sans fin
Aux douces soirées exquises
Très tôt dès le matin
Tous les oiseaux devisent
Et tard quand la nuit vient
Certains encore s'avisent
C'est temps des examens
Où les sérieux révisent
Et leurs moments malsains
Des attentes indécises
C'est tendres gazons coussins
Où la rosée irise
Les beaux serments divins
Des amants qui se bisent
Et puis au mois de juin
On pense à ses valises
Car très bientôt revient
L'heure des vacances promises
Robert Casanova
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PRINTEMPS
Tout est lumière, tout est joie.
L'araignée aux pieds diligents
Attache aux tulipes de soie
Les rondes dentelles d'argent.
La frissonnante libellule
Mire les globes de ses yeux
Dans l'étang splendide où pullule
Tout un monde mystérieux.
La rose semble, rajeunie,
S"accoupler au bouton vermeil,
L'oiseau chante plein d'harmonie,
Dans les rayons pleins de soleil.
Sous les bois, où tout bruit s'émousse,
Le faon craintif joue en rêvant :
Dans les verts écrins de la mousse,
Luit le scarabée, or vivant.
La lune au jour est tiède et pâle
Comme un joyeux convalescent ;
Tendre, elle ouvre ses yeux d'opale
D'où la douceur du ciel descend !
Tout vit et se pose avec grâce,
Le rayon sur le seuil ouvert,
L'ombre qui fuit sur l'eau qui passe,
Le ciel bleu sur le coteau vert !
La plaine brille, heureuse et pure ;
Le bois jase ; l'herbe fleurit.
- Homme ! Ne crains rien ! La nature
Sait le grand secret, et sourit.
(Victor Hugo)
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La rose de novembre
Il n'est plus belle fleur qu'une rose d'automne,
Quand elle sait déjà que ses jours sont comptés,
Et que près de sa fin, généreuse, elle donne
Encor plus de parfum qu'aux beaux jours de l'été.
Dans le brouillard léger d'une aube de novembre,
Alors que les oiseaux ne savent plus chanter,
Elle va défroisser sa robe d'or et d'ambre
Pour s'offrir aux regards dans toute sa beauté.
Mais un souffle de vent la blesse, la défeuille.
Sitôt qu'il a séché ses larmes de rosée,
Elle cache ses joues dans son écrin de feuilles
Pour vivre encor un peu, encor une journée.
O toi qui ne sais pas combien est éphémère
La rose qui s'endort et va vers son trépas,
Si tu passes près d'elle au jardin de ta mère,
Je t'en supplie, enfant, non, ne la cueille pas.
Laisse-la retenir la vie qui l'abandonne,
Suivre des vols d'oiseaux glissant dans le ciel clair.
Il n'est plus belle fleur qu'une rose d'automne
Qui se meurt doucement, aux premiers jours d'hiver.
Renée Jeanne Mignard