Proxénétisme : l’affaire qui fait trembler les notables lillois

Six hommes et une femme ont été mis en examen ces derniers jours, soupçonnés d’avoir pris part à un réseau de prostitution qui avait pour cadre trois hôtels de Lille. Une affaire qui pourrait impliquer des fonctionnaires de police.

Le propriétaire du Carlton, luxueux hôtel à deux pas de la célèbre Grand-Place de la capitale des Flandres, un cadre supérieur de l’établissement, le roi des nuits lilloises, un chef d’entreprise qui jouait les entremetteurs, un avocat de renom… la sulfureuse affaire de proxénétisme qui éclabousse depuis une dizaine de jours des notables lillois promet de nouveaux rebondissements.
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Un commissaire divisionnaire de police du Nord, connu pour être un intime d’un homme politique au parcours chaotique, pourrait être le prochain à faire les frais de ce scandale, qui a pour cadre trois hôtels de Lille où des jeunes femmes monnayaient leurs charmes. Le fonctionnaire pourrait avoir mis des prostituées à la disposition de personnalités, voire les avoir accompagnées à Paris pour des rendez-vous galants. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a laissé ses enquêteurs sur place ce week-end. Le nom de ce policier, ainsi que celui de trois autres officiers en retraite, a été cité par les prostituées entendues par un groupe restreint d’enquêteurs de la police judiciaire lilloise, qui depuis fin mars travaille sur ce réseau.

«Cela relève du délire complet »

Les premiers soupçons sont nés au printemps lorsque des policiers belges ont signalé à leurs homologues français d’intrigants allers-retours de jeunes femmes évoluant dans le milieu de la prostitution. Depuis dix jours, l’enquête s’est accélérée. Six hommes et une femme ont été mis en examen pour « proxénétisme aggravé en bande organisée ». Tous ont été et placés en détention provisoire, sauf un.

Parmi eux, Hervé Franchois, 70 ans, propriétaire du Carlton et ancien président du club hôtelier de la région, son directeur et homme de confiance Francis Henrion, 46 ans, mais aussi René Kojfer, 69 ans, le responsable des relations publiques de l’hôtel. Connu comme le roi des nuits lilloises, ce dernier est soupçonné d’être la cheville ouvrière du réseau qui proposait des prostituées à de bons clients du Carlton, ainsi que de deux autres établissements du centre-ville. Ce que dément son avocat, Me Christophe Snyckerte, qui déclare que « cette affaire relève du délire complet ».

Selon les premiers éléments de l’enquête, les femmes étaient recrutées auprès de Dominique Alderweireld, dit Dodo la Saumure, 59 ans, un Français, tenancier de longue date de bars à hôtesses en Belgique. Il a été écroué début octobre outre-Quiévrain, tout comme sa compagne, Béatrice Legrain, soupçonnée de jouer les maquerelles. Vendredi, un chef d’entreprise du Nord, David Roquet, présenté comme un entremetteur et recruteur de jeunes femmes, a lui aussi été mis en examen par les deux juges d’instruction lillois en charge du dossier.

Dodo la Saumure et ses bars «montants»

Mercredi, c’est l’avocat Emmanuel Riglaire, figure du barreau de Lille, qui avait été placé en garde à vue avant d’être mis en examen et laissé libre. Les policiers cherchent à connaître les relations qu’il entretenait avec ces hommes. « C’est une folle machine à broyer. Il faudra du temps pour nettoyer tout cela », a confié hier à un proche Me Riglaire. Ce pénaliste reconnu, bon vivant, collectionneur de cigares, a eu comme cliente, M., l’une des quatre prostituées entendues dans ce dossier. Une jeune femme qui s’est retrouvée entre les mains de René Kojfer, qui l’aurait ensuite confiée à Dodo la Saumure pour lui trouver du travail dans ses bars dits « montants ». « Des maisons de tolérances tolérées en Belgique », explique Me Snyckerte. C’est elle qui, notamment, a déclaré lors de ses auditions avoir été accompagnée à Paris par un policier de haut rang pour des rencontres coquines.

Depuis plusieurs années, la rumeur de rendez-vous fripons à l’hôtel Carlton était connue. Certains services de police en charge de la répression du proxénétisme pourraient avoir fermé les yeux, l’un des mis en cause étant un précieux indicateur. C’est un vieux flic intègre de la police judiciaire, parti à la retraite il y a peu, qui avait levé le lièvre sur les agissements suspects de Dominique Alderweireld. Il n’avait pas eu le temps d’achever son enquête.