Clair de lune intellectuel
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs;
Elle a l'éclat parfois des subtiles verdeurs
D'un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir des fontaines,
Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs;
Ma pensée est couleur de lumières lointaines,
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines,
Au pays angélique où montent ses ardeurs;
Et, loin de la matière et des brutes laideurs,
Elle rêve l'essor aux célestes Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d'or lointaines.
Fantaisie Créole
Or, la pourpre vêt la véranda rose
Au motif câlin d'une mandoline,
En des sangs de soir, aux encens de rose,
Or, la pourpre vêt la véranda rose.
Parmi les eaux d'or des vases d'Égypte,
Se fanent en bleu, sous des zéphirs tristes,
Des plants odorants qui trouvent leur crypte
Parmi les eaux d'or des vases d'Égypte.
La musique embaume et l'oiseau s'en grise;
Les cieux ont mené leurs valses astrales;
La Tendresse passe aux bras de la brise;
La musique embaume, et l'âme s'en grise.
Et la pourpre vêt la véranda rose,
Et dans l'Éden d'or de sa Louisiane,
Parmi le silence, aux encens de rose,
La créole dort en un hamac rose.
Un Poète
Laissez-le vivre ainsi sans lui faire de mal !
Laissez-le s'en aller; c'est un rêveur qui passe;
C'est une âme angélique ouverte sur l'espace,
Qui porte en elle un ciel de printemps auroral.
C'est une poésie aussi triste que pure
Qui s'élève de lui dans un tourbillon d'or.
L'étoile la comprend, l'étoile qui s'endort
Dans sa blancheur céleste aux frissons de guipure.
Il ne veut rien savoir; il aime sans amour.
Ne le regardez pas ! que nul ne s'en occupe !
Dites même qu'il est de son propre sort dupe !
Riez de lui !... Qu'importe ! il faut mourir un jour ...
Alors, dans le pays où le bon Dieu demeure,
On vous fera connaître, avec reproche amer,
Ce qu'il fut de candeur sous ce front simple et fier,
Et de tristesse dans ce grand œil gris qui pleure !