Comment Carrefour a réduit sa logistique de 44.000 camions

En optimisant sa chaîne logistique dans l'Hexagone, le géant de la distribution a évité l'émission de 14.300 tonnes de CO2.
La taxe carbone n'est pas la seule menace qui plane sur les transporteurs routiers. Ces derniers ont également à craindre une relative contraction de la demande de chargeurs plus attentifs à leurs dépenses et plus performants. Ainsi, pour la seule année 2009, l'optimisation de la chaîne logistique de Carrefour France a permis au groupe de distribution d'économiser 44.000 mouvements de camions, et 20 millions de kilomètres. Une démarche qui a permis d'éviter l'émission de 14.300 tonnes de CO2. Ces résultats sont à comparer aux 238 millions de kilomètres parcourus l'an passé par les camions affrétés par l'enseigne, ainsi qu'aux 221.000 tonnes de CO2 émises par les seuls flux de marchandises déplacées dans l'Hexagone. « Carrefour est engagé depuis plus de dix ans dans une stratégie développement durable qui porte des fruits », souligne Didier Thibaud, directeur de la « supply chain » France du groupe.
Pour parvenir à ce résultat, le distributeur a agi simultanément dans plusieurs directions. La première est une meilleure utilisation des camions, qui doivent rouler le plus longtemps possible et aussi plein que possible. L'effort commence par un remplissage optimal des poids lourds, qui peuvent théoriquement recevoir en moyenne 30 palettes au sol. La flotte utilisée par Carrefour atteint des taux moyens de remplissage de 29 palettes pour les camions alimentant les hypers et de 27 pour les plus petites surfaces. « Il reste un potentiel d'amélioration de 5 à 10 % », note Didier Thibaud. Le remplissage se fait aussi en hauteur, avec des « camions à poutres » supportant deux hauteurs de palettes. Dans un même souci d'optimisation, les plannings arrêtés par les magasins doivent permettre de faire tourner les camions le plus longtemps possible : ils roulent actuellement entre dix-huit et dix-neuf heures par jour. Enfin, les sous-traitants sont poussés à utiliser des véhicules aux normes Euro 4 et Euro 5, les moins émetteurs de CO2. 60 % des camions utilisés par la marque sont déjà dans ce cas. D'ici à la fin de l'année, l'objectif est de porter ce pourcentage à 82 %.
Le deuxième levier utilisé par Carrefour a été la recherche de modes de transports alternatifs, moins émetteurs de carbone. Depuis dix ans, le distributeur utilise de façon plus systématique le transport fluvial, via le port du Havre, mais aussi sur le Rhône, entre Marseille et Lyon. Il économise ainsi l'équivalent de 4.000 camions et de 800.000 kilomètres sur les routes. Dans le domaine ferroviaire, un train complet fait chaque nuit le trajet entre le centre de stockage de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) et Marseille, chargé de conteneurs destinés aux magasins les plus excentrés des régions Paca et Languedoc-Roussillon. Un moyen, là encore, d'économiser l'équivalent de 8.000 camions.
Opérations silencieuses

Face au développement du commerce de proximité (à travers ses enseignes Carrefour City, Shopi, 8 à Huit, Marché Plus, Proxi et autres Carrefour Market), le géant de la distribution se doit par ailleurs de résoudre le problème des livraisons intra-urbaines. En Ile-de-France, les entrepôts régionaux sont en effet éloignés du centre de Paris de 30 à 50 kilomètres, et les heures de livraisons autorisées ne permettent pas aux camions d'éviter les pointes de trafic. Pour y échapper, et donc économiser de l'énergie et des émissions de CO2 tout en augmentant les rotations des camions, il fallait obtenir des horaires de livraisons élargis, plus tôt le matin et plus tard le soir. Donc réaliser des opérations silencieuses pour que les riverains les acceptent. D'où le programme test de « camions dodo ». Ce « concept global », lancé en 2009, a permis de réduire le nombre de décibels émis de 90 à 60, c'est-à-dire au niveau d'une conversation normale. Tous les matériels ont été passés en revue avec les fabricants : moteur frigo du camion, insonorisation de l'intérieur, des transpalettes, du hayon, de l'avertisseur sonore de recul, du rideau de fer du magasin. Les salariés ont aussi été formés pour travailler plus silencieusement (en évitant les claquements de portes, par exemple). L'expérience s'est avérée concluante. Du coup, Carrefour va utiliser trente de ces camions silencieux dans la région parisienne et la métropole lilloise. L'acquisition de ces nouveaux véhicules représente un surcoût de 8 % pour les transporteurs. Un effort quasi indolore pour ces derniers puisque, en contrepartie, Carrefour prendra 3 % de ce surcoût à sa charge, s'engagera sur une plus longue période avec eux (trois ans au lieu d'un) et leur assurera mécaniquement un nombre de rotations plus important.

Dans un même souci d'optimisation, les plannings arrêtés par les magasins doivent permettre de faire tourner les camions le plus longtemps possible : ils roulent actuellement entre dix-huit et dix-neuf heures par jour.