Vives réactions après la mutation-sanction du chef de la police en Corse
La soudaine mutation-sanction du coordinateur des forces de sécurité intérieure en Corse, Dominique Rossi, liée à sa gestion de la brève occupation, samedi, du lotissement où se trouve la propriété de Christian Clavier, un proche de Nicolas Sarkozy, a provoqué mardi de vives réactions tant dans l'opposition que dans les rangs de la police.
La sanction visant M. Rossi, 59 ans, chef de toutes les forces de sécurité en Corse, police et gendarmerie, lui a été notifiée lundi soir par téléphone par le ministère de l'Intérieur qui a confirmé mardi à l'AFP que l'intéressé avait été "relevé lundi de ses fonctions" et "muté à l'IGPN" (l'Inspection générale de la police nationale, la police des polices).
Le ministère a précisé à l'AFP que la sanction était liée à sa gestion de l'occupation samedi par des militants nationalistes du lotissement Punta d'oro à Porto-Vecchio où se trouve la villa de l'acteur Christian Clavier. Le coordinateur des services de sécurité intérieure (CSSI) dans l'île n'aurait "pas pris les mesures nécessaires pour protéger ce lotissement afin d'empêcher l'envahissement d'une propriété privée", a poursuivi le ministère.
Pour dénoncer "la spoliation foncière" des Corses sur leur île, une cinquantaine de militants indépendantistes avaient occupé samedi pendant une heure le jardin de la villa de Christian Clavier que le président Sarkozy décrit lui-même comme un "ami très proche".
Le ministère de l'Intérieur a indiqué que "la Direction centrale du renseignement intérieur avait transmis dès vendredi soir à M. Rossi un renseignement selon lequel les nationalistes corses pourraient se rendre jusqu'au lotissement à l'issue de leur manifestation".
L'Elysée s'est refusé mardi à commenter la décision du ministère de l'Intérieur de relever de ses fonctions M. Rossi.
La sanction a déclenché de vives réactions, notamment dans les rangs de la police, le syndicat des commissaires prenant aussitôt la défense de M. Rossi. "Son choix a été excellent car il n'y a pas eu de dégâts chez Christian Clavier", a déclaré Emmanuel Roux, secrétaire général adjoint du syndicat des commissaires de police (majoritaire) en saluant "un très haut fonctionnaire, expert du renseignement qui connaît son métier comme sa poche". "Ce n'est pas l'affaire Clavier mais l'affaire Rossi", a affirmé M. Roux sur France Info.
"Qu'est-ce qu'on aurait fait à Dominique Rossi si face à des forces de police lourdes, des manifestants s'étaient rebellés devant ce qu'on aurait appelé une provocation policière et avaient cassé le lotissement ? On aurait fusillé Rossi ?", a ironisé le syndicaliste.
Côté politique, François Bayrou, président du MoDem, voit dans cette sanction le "fait du prince". "Parce que monsieur Christian Clavier, qui est un ami de vacances du président de la République, a eu affaire à des manifestants chez lui (...) on met à la porte le coordinateur de l'ensemble de la sécurité publique en Corse", s'est-il indigné sur France Inter.
Le premier secrétaire du PS, François Hollande, sur Europe 1, a estimé également que l'affaire méritait "des explications".
"La violation d'un domicile c'est inacceptable. En Corse, depuis des mois, il y en a eu des violations de domicile, des attentats. Je veux croire que ce n'est pas parce que c'est le domicile de Christian Clavier qu'il y a cette sanction", a-t-il observé. "En matière de sécurité, il n'y a pas des citoyens qui seraient plus protégés que d'autres", a-t-il ajouté.
En Corse, Jean-Guy Talamoni, dirigeant nationaliste indépendantiste, a dénoncé dans cette mutation une nouvelle expression de l'"arbitraire" de l'Etat.