Faisons un rêve... Supprimons le camion, source de tous nos maux, et réglons avec des trains et des péniches, d'un coup de baguette magique, les questions de climat et de sécurité routière. Des routes sans camions, des villes sans livreurs... Un paradis pour citoyens soucieux de la planète. Comment ? Surtaxons les camions pour les empêcher de rouler. Soyons même plus ambitieux ! Construisons des canaux et chemins de fer devant nos domiciles, au bout de notre jardin. En rêve, rien d'impossible. Les solutions sont évidentes, les moyens à portée. Mais ce décor paradisiaque a son envers. A quel prix arriveront nos produits devant nos portes ? Attendrons-nous nos commandes Internet des semaines ? Renoncerons-nous aux huîtres à Noël ? Et si le rêve du citoyen était le cauchemar du consommateur... qui, au final, ne font qu'un ?
Resituons le contexte. 80 % des marchandises en France sont acheminées via le transport routier. Ce n'est pas le fruit du hasard. Grâce au camion, notre économie de stocks s'est mue en une économie de flux, réduisant l'immobilisation des marchandises et donc la valeur immobilisée. Les produits circulent en plus petites quantités, plus vite, l'étalement urbain génère davantage de trafic sur courtes distances... Les trois quarts du transport routier de marchandises s'effectuent aujourd'hui sur des distances inférieures à 150 kilomètres. Et ce ne sont pas les constructeurs ou les transporteurs qui ont décidé de nos schémas d'urbanisation ou de déplacements.
Tordons le cou, au passage, aux idées reçues. 74 % des Français pensent que la pollution par les camions a stagné ou augmenté depuis dix ans. Or, depuis quinze ans, les émissions polluantes ont diminué de moitié pour un trafic en croissance de près de 40 % en Europe ! Avec les progrès réalisés depuis plusieurs décennies, comment interpréter ce tableau noirci ? Le camion n'endosserait-il pas des responsabilités qui ne sont pas les siennes ? L'inconscient collectif n'aurait-il pas tendance à diaboliser ce qui est très visible et encombrant, donc par nature anxiogène ?
Soyons donc précis. Notre véritable enjeu, ce sont les gaz à effet de serre, et tout particulièrement le CO2. Sur ce point, il reste beaucoup à faire. Mais qui sait qu'un poids lourd consomme environ 30 litres au 100 en moyenne pour transporter une charge équivalente à celle de 40 voitures de tourisme ? Qui sait que, depuis 1960, pour une puissance multipliée par trois, la consommation moyenne a été divisée par deux ?
Les camions sont à l'origine de 5 % des émissions de CO2 dans le monde (7 % en France), contre 10 % pour les voitures. Notre responsabilité est importante en la matière, nous ne la sous-estimons en rien. Certaines équations sont pourtant difficiles à résoudre, à l'instar du paradoxe des évolutions normatives, qui renforcent les contraintes technologiques pour réduire le peu de pollution locale restante, mais limitent parallèlement le potentiel d'économies de carburant. Notre vrai défi, c'est notre contribution à la réduction du recours aux énergies fossiles. Si nous ne le faisions pas par conscience citoyenne, nous le ferions par intérêt ! Car cette question est au coeur de l'économie du secteur, quand la facture énergétique représente près du quart du compte d'exploitation de nos clients transporteurs.
Mais prévenons-nous aussi des mirages du transfert vers d'autres modes de transport. Le transport combiné rail-route, efficace sur longue distance, se développe lentement en raison du mauvais service encore offert par la partie rail. Le ferroutage, réponse aux enjeux de franchissement de zones montagneuses, exige des investissements gigantesques. Le fluvial nécessite aussi des moteurs de propulsion, et n'est pas sans limites comme en témoignent les dégâts écologiques constatés par exemple sur les berges du Rhin. Soyons réalistes, n'opposons pas les modes entre eux et trouvons sa place à chacun selon son efficacité. La route reste indispensable pour irriguer tout le territoire. In fine, c'est toujours un camion qui fera les premiers et derniers kilomètres. Le report modal ne proposera pas de transfert significatif avant au moins quinze ans. Comment franchir un cap d'ici là ?
Les énergies alternatives constituent une piste, et toutes les voies sont étudiées pour en valoriser les atouts. L'optimisation du trafic en est une autre. Quand un convoi de 40 tonnes parcourt 10 kilomètres sur un terrain plat à vitesse régulière, il consomme environ 3 litres. Pour un même trajet avec une congestion forte, soit un arrêt tous les 100 mètres, sa consommation est dix fois supérieure. On mesure ici l'impact des bouchons sur les émissions de CO2, et les gisements d'économies exploitables avec des mesures adaptées !
Au final, qui est prêt à payer le prix ? Pour s'inscrire dans une dynamique constructive, les parties prenantes - constructeurs, pouvoirs publics, transporteurs, chargeurs... - doivent s'engager conjointement. Et pour que le citoyen ne soit pas en reste, suggérons-lui donc de se regarder devant une glace, et de demander au consommateur auquel il fait face si celui-ci est prêt à ne pas manger des fraises en hiver. Tout n'est pas aussi simple. Le camion n'est pas le monstre désincarné qui menace la planète. Il est au service du consommateur et de la compétitivité de notre économie. Nous revendiquons un regard juste sur nos activités, qui reflètent des choix de société, et ne méritent pas la diabolisation. Les solutions existent, les constructeurs sont prêts à s'y investir, mais nous ne pourrons rien faire seuls. Un équilibre est à trouver, des coopérations doivent émerger, dans le cadre d'une approche raisonnée entre tous les acteurs de l'appareil productif. Cela suppose, au préalable, que chacun agite demain un drapeau blanc plutôt qu'un chiffon rouge.
Pour une fois qu'il y a un article assez bien documenté et objectif sur le sujet, je n'allais pas me priver de le mettre ici.
e camion n'est pas le monstre désincarné qui menace la planète. Il est au service du consommateur et de la compétitivité de notre économie.
Franchement ça fait du bien de lire de pareils écrits et de voir qu'il peut y avoir des personnes objectives dans le monde des média.
Il faut le répéter encore et toujours, le camion est incontournable notamment dans les échanges de proximité et ce sont des solutions avec les camions qu'il faut trouver et non contre.