Texte intégral :
Cour de cassation
1re chambre civile
Cassation partielle
1 juillet 2009
N° 08-18.147
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 271 et 272 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;
Attendu que les juges du fond n'ont pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les ressources et les besoins des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire ;
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 21 octobre 1998 ; que par un jugement du 24 mai 2007, leur divorce a été prononcé aux torts exclusifs du mari, Mme Y... étant déboutée de sa demande de prestation compensatoire ;
Attendu que pour condamner M. X... à verser à Mme Y... une prestation compensatoire d'un montant en capital de 80 000 euros, l'arrêt retient que Mme Y... a vécu avec ce dernier avant le mariage, participant à l'entretien et à l'éducation des enfants mineurs de son mari depuis qu'elle s'est installée chez lui entre 1995 et 1998 ;
Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z... à verser à son épouse une prestation compensatoire en capital de 80 000 euros, l'arrêt rendu le 26 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à verser à Madame Y... une prestation compensatoire d'un montant en capital de 80.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « le mari approuve le jugement en ce que le principe d'une prestation compensatoire n'a pas été admis en faveur de l'épouse ; que cette décision s'appuie sur la brièveté du mariage (six ans selon le juge aux affaires familiales, mais 9 ans au jour de l'arrêt de la Cour d'appel), sur le fait qu'il s'agit d'un deuxième mariage pour le mari et d'un troisième mariage pour l'épouse ; que cette union n'a pas abouti à la naissance d'enfants (même si Madame Y... a pu pendant une certaine période participer à l'entretien et à l'éducation des enfants de son mari) ; que Madame Y... fait valoir que la disparité en sa défaveur créée par le divorce est patente car elle a vécu avec Monsieur X... depuis 1995 ; que si Monsieur X... fait valoir que son divorce a laissé à la mère de ses enfants une large part dans leur éducation, il y a lieu de noter que la résidence des trois enfants avait été chez lui et que sa nouvelle épouse, Madame Y... a vécu avec lui avant le mariage, participant donc à l'entretien et à l'éducation des enfants mineurs de son mari depuis qu'elle s'est installée chez Monsieur X... entre 1995 à 1998 » ;
1°/ ALORS QUE : la durée du mariage, au sens de l'article 271 du code civil, n'inclut pas la période qui court entre la séparation des époux et le prononcé de leur divorce ; qu'en retenant, pour infirmer la décision déférée, que la brièveté du mariage devait être relativisée par le fait que trois années supplémentaires s'étaient écoulées depuis le prononcé du jugement, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2°/ ALORS QUE : les juges du fond n'ont pas à tenir compte, pour apprécier la durée du mariage au sens de l'article 271 du code civil, de la vie commune antérieure au mariage ; qu'en retenant le fait que Madame Y... s'était installée chez son futur mari entre 1995 et 1998, la cour d'appel a de nouveau violé le texte précité ;
3°/ ALORS QUE : en considérant que Madame Y..., parce qu'elle était mariée avec Monsieur X..., avait nécessairement participé à l'entretien et à l'éducation des enfants nés du premier mariage de son mari, quand ce prétendu investissement dans la vie de famille était formellement contesté compte tenu notamment de l'aversion de l'épouse pour ses beaux-enfants, la cour d'appel a procédé par voie de présomption prohibée, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE l'investissement de l'épouse dans la vie de famille ne peut être de toute façon être pris en considération en vue de la fixation de la prestation compensatoire que si cet investissement s'est fait au détriment d'une activité rémunérée à laquelle l'épouse aurait dû renoncer en contre ? partie ; qu'en se bornant à énoncer que l'épouse aurait participé à l'entretien et l'éducation des enfants mineurs de son mari, la cour d'appel n'a pas suffisamment justifié sa décision, laquelle est entachée d'un défaut de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE les époux sont âges de 61 et 60 ans et que l'épouse perçoit une retraite de 745 euros par mois et une pension d'invalidité de 420 euros par mois ; qu'elle perçoit en outre les loyers de trois biens immobiliers dont elle est propriétaire, soit de l'ordre de 1.956 euros par mois ; qu'en 2007 ses revenus ont été 17.784,24 euros selon elle (18.958,68 euros selon le calcul du mari opéré sur les propres relevés manuscrits de son épouse) ; que le patrimoine immobilier de l'épouse est composé de deux studios à Paris (valeurs 112.500 euros et 86.000 euros) et un appartement en Val de Marne (valeur 135.000 euros) ; que les époux séparés de biens sont propriétaires indivis d'un appartement à Saint Malo (valeur 270.000 euros en 2005, par moitié pour chacun 135.000 euros) ; qu'elle a également en biens mobiliers une assurance vie AXA (108.000 euros) un PEA (21.186,63 euros) un CEL (397,50 euros) un LDD (11.529,85 euros) et une assurance vie cardif multiplus (78.112,30 euros) ; que Monsieur X... est pour sa part propriétaire de 50% indivis du bien de Saint Malo (135.000 euros chacun) outre un patrimoine mobilier de 40.889,70 euros dont 22.373,70 euros de valeurs mobilières et 18.516 euros d'assurance vie ; qu'il est général en retraite (cinq étoiles) et dans le même temps salarié d'une société MBDA ; que son salaire a été de 128.610 euros en 2006 (10.717,50 euros par mois) et en 2007 de 131.567,99 euros (10.963,99 euros par mois) ; sa retraite de général lui a procuré 58.511 euros en 2007 (4.875,91 euros par mois) ; qu'il fait valoir que son revenu salarié ne pourra être perçu très longtemps et que sa retraite de salarié sera mince (de l'ordre de 259,62 euros par mois s'il arrête à 65 ans) ce qui réduira son revenu global aux alentours de 5.200 euros par mois ; qu'il fait valoir des charges supérieures à celles de sa femme, celle-ci n'ayant plus d'enfant à charge alors qu'il a encore en charge ses enfants (même si l'aîné est sur le point de travailler) ; que par ailleurs il fait état d'un loyer important de 3.383,88 euros par mois à Paris (16ème) ; que l'épouse fait valoir que son mari bénéficie d'avantages en nature (voiture, téléphone, carburant, péages) ; que Madame Y... ne peut raisonnablement soutenir que ses revenus locatifs sont aléatoires mais qu'il y a lieu de constater que l'entretien de son patrimoine immobilier, avec les charges que cela représente, est nécessaire au maintien de ce revenu locatif ; que pour maintenir son revenu, elle ne peut pas non plus aliéner ce patrimoine ; que si Monsieur X... n'a d'autre bien immobilier que la part indivise de la résidence Saint Malo, il y a lieu de prendre en compte le fait qu'il a fait le choix de ne pas investir alors même qu'il verse à fonds perdus un loyer important ; que cette charge, non productive d'un capital ultérieur, est volontairement assumée au détriment d'une épargne productive de revenu ; qu'il existe donc, étant rappelé les ressources respectives des époux et les éléments rappelés au titre de l'article 270 du code civil, une disparité au détriment de l'épouse qui conduit à l'attribution à Madame Y... d'une somme de 80.000 euros en capital »;
5°/ ALORS QUE : en s'abstenant de prendre en considération le fait que Madame Y... ne produisait aucun justificatif actualisé de ses biens, et qu'elle avait notamment refusé de produire sa déclaration des revenus fonciers, circonstance que les premiers juges avaient relevée et que l'intimé soulignait fermement dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
6°/ ALORS QUE : les juges du fond doivent prendre en considération tous les éléments venant en déduction des ressources de l'éventuel époux créancier ; qu'en s'abstenant de tenir compte des frais importants dont s'acquittait Monsieur X... pour l'entretien de ses enfants, et notamment pour les études de ceux-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
7°/ ALORS QUE : en retenant à la charge de Monsieur X... le fait qu'il aurait fait le choix de louer un appartement plutôt que d'investir dans l'achat d'un appartement, quand Madame Y... elle-même avait fait ce choix d'habiter dans un appartement qu'elle loue, et ce alors même que, contrairement à son ancien époux, elle dispose d'un patrimoine immobilier important, la cour d'appel s'est prononcée aux termes d'une motivation radicalement inopérante au regard de l'article 271 du code civil ;
8°/ ET ALORS QUE : en retenant que le loyer acquitté par Monsieur X... était important, sans mettre cette circonstance en perspective avec le fait que l'exposant, contrairement à son ancienne épouse, avait encore à sa charge trois enfants majeurs poursuivant des études, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil.
Composition de la juridiction : M. Bargue (président), SCP Boullez, SCP Thouin-Palat et Boucard
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris 26 mars 2008 (Cassation partielle)