Haikaï
Le ciel s'assombrit
une étoile s'est pendue
derrière l'étang
Il pleut sur le toit
la tourterelle gémit
elle sent l'hiver
Les feuilles d'octobre
se meurent sur le gazon
douce sépulture
Sous le soleil blond
qui vient de le caresser
l'érable a rougi
Novembre a pleuré
Sous un ciel en demi-deuil
le jardin s'endort
Auprès du tilleul
le banc de bois vermoulu
attend un ami
L'arbre dénudé
n'a pu retenir ses feuilles
besoin de repos
Dans le marronnier
le pinson donne concert
à une mésange
Un nuage noir
attriste le paysage
l'automne est en deuil.
Renée Jeanne Mignard
Automnale
L’été s’en est allé dès l'ultime vendange.
Le soleil meurt plus tôt derrière le côteau.
Le bleu du ciel pâlit. Le merle, la mésange,
Ont déjà déserté les branches de l'ormeau.
L'érable fatigué perd sa dernière feuille,
Que le vent plus hardi conduit à son trépas.
Ses soeurs ont recouvert le sol qui la recueille
D’un tapis mordoré qui craque sous les pas.
L’abeille ne boit plus dans le coeur de la rose.
Le papillon de mai ne s’éveillera pas.
Le jardin engourdi paresse, se repose,
Avant que d’affronter décembre, et ses frimas.
L’hirondelle rejoint une aurore lointaine.
Le crépuscule vient, ombre le firmament,
Quand la brume du soir emprisonne la plaine,
Le vol des souvenirs s’alanguit doucement.
Renée Jeanne Mignard
Pensées
La nuit tombe déjà, je vais fermer la porte.
La brume tout à coup couvre le petit bois.
L’automne est de retour, le jour a fui. Qu’importe !
Blottie dans ton fauteuil, je vais penser à toi.
Je veux rester ainsi seule dans la pénombre
Pour mieux me rappeler les moments hors du temps
Que dans notre parcours, fait de soleil et d’ombre,
Nous avons partagés depuis tant de printemps.
Pour moi, le long des jours de notre connaissance,
Ce fut l’étonnement, le saut dans l’inconnu,
Mais non, je n’y crois pas, et puis la renaissance,
La chaleur de tes mains, et l’espoir revenu.
Puis nous avons aimé les mêmes paysages,
L’agrément du jardin que l’avril fleurissait.
Plus à notre roman nous ajoutions de pages,
Plus cet amour pour toi dans mon cœur grandissait.
Nous avons essuyé, c’est vrai, quelques orages.
Certains plus violents nous firent étrangers.
Nous sommes maintenant redevenus plus sages.
Mais de l’emportement, j’évite les dangers.
Je sais que la pudeur voudrait que je ne dise
Rien de ce sentiment que j’éprouve si fort.
Pourtant j’ose, tu vois, sans honte, sans surprise,
Et je le redirai, heureuse de mon sort.
C’est la nuit à présent, je m’en vais dans la chambre,
L’esprit tout chaviré, le cœur rempli de toi,
Pensant avec ferveur à ce jour de septembre,
Qui t’avait vu, joyeux, revenir près de moi.
Renée Jeanne Mignard
Tableau
Elle reprend son vol, notre douce hirondelle.
Au cours des derniers jours, fuyant à tire-d’aile
La brume des matins, l’ire des éléments,
Elle nous a quittés pour des cieux plus cléments.
Elle n’aura pas vu le grand ballet des feuilles,
Le raisin mordoré qu’à la vigne tu cueilles,
Le jardin défleuri privé de ses rosiers,
Que l’averse d’hier a vite dépouillés.
Les feuilles rouge sang de la vigne sauvage,
La rivière chantant dans le gris paysage,
La campagne en sommeil, le calme des ruisseaux,
Lorsque vient le moment de tirer les rideaux,
Et pendant de longs mois, de Toussaint à Carême,
Le ciel nous privera de tout ce que l’on aime,
Le soleil, les beaux jours, les marches au grand air.
Lors nous nous soumettrons aux rigueurs de l’hiver.
Mais dès le mois de mai, quand la rose trémière
Fera craquer l’ourlet de sa robe lumière,
Nous guetterons au ciel ce miracle du temps,
La première hirondelle annonçant le printemps
Renée Jeanne Mignard
Sonnet d'automne
Avez-vous remarqué, ma chère et tendre amie,
Alors que la saison d'été va s'achever,
Comment, au soir tombant on se prend à rêver,
Combien, privé de vous, votre jardin s'ennuie.
La rose de juillet vient de perdre la vie,
Le soleil va bouder, tardant à se lever,
L'oiseau, privé d'azur, moins prompt à s'élever,
De gazouiller gaîment n'a plus la moindre envie.
Pourtant, je vous le dis, s'il faut que je raisonne,
Je dois vous avouer que j'adore l'automne,
Qui apaise mon coeur que vous voulez blesser.
Car aux beaux jours de mai vous me fûtes cruelle,
Vous qui d'un simple mot avez fait trépasser
Mon trop fervent amour en lui cherchant querelle.
Renée Jeanne Mignard