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    légendes Bretonne

    provence26
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    Message par provence26 Mer 10 Nov - 18:33


    La légende de la Forêt de Brocéliande - Merlin, Arthur ...


    Littérature - Légende bretonne


    La Forêt de Brocéliande

    - Désireux d'avoir sur terre un représentant dévoué à ses intérêts, qui l'aidât à tromper les hommes en acquérant sur eux une grande autorité, parce qu'à même de connaître le passé et de prédire l'avenir, Satan, certain jour, délégua l'un de ses incubes avec mission d'engendrer d'une vierge l'enfant utile à ses projets.
    Merlin naquit de cette union. Sa mère était chrétienne et très pieuse. Elle le fit baptiser dès sa naissance. Le diable perdit du même coup tout pouvoir sur l'enfant, qui conserva cependant la plupart des dons qu'il tenait de son père. Il se métamorphosait à son gré ; il expliquait avec les plus grandes facilités les songes et les événements qui paraissaient de prime abord inexplicables ; il enchantait, au sens nécromancien, ceux qu'il désirait voir agir selon sa volonté. Il donnait les avis les plus sages et les conseils les plus précieux et, à l'exemple des chevaliers, il soutenait les bons contre les méchants, les opprimés contre les oppresseurs.

    Les filles-mères, à cette époque, étaient brûlées vives. Elles pouvaient cependant prolonger leur vie du temps que durait l'allaitement de leur enfant. Ainsi le voulaient encore les coutumes. qui, alors, faisaient loi.

    Quand, au bout de neuf mois, Merlin eut l'âge d'être sevré, sa mère fut appelée chez le juge chargé de prononcer contre elle l'inexorable sentence. Elle se présenta avec son enfant sur les bras. Le juge la pressa de questions sur les conditions dans lesquelles elle était devenue mère. Elle ne savait que répondre, puisqu'elle avait été prise, durant son sommeil, par quelqu'un qu'elle n'avait pas vu. Comme le juge doutait de sa parole et allait la condamner, Merlin, à la stupéfaction des personnes présentes dans le prétoire, éleva la voix pour expliquer son origine. Il s'exprima si bien que le magistrat fut convaincu de l'innocence de l'inculpée et la relaxa, ce qui lui permit de se retirer dans un monastère, où elle finit ses jours, expiant, au sein de la retraite et par la prière, la faute qu'elle n'avait, en définitive, pas commise.

    Il y avait alors, en Bretagne, un roi qui se nommait Constant. Il mourut en laissant deux enfants en bas âge, appelés Moine et Uter Pendragon. Le sénéchal du royaume était ambitieux et félon ; il donna l'ordre a ses soudoyés d'assassiner les deux enfants. Uter Pendragon fut soustrait à sa cruelle traîtrise. Des partisans l'emmenèrent dans une ville étrangère, pour l'élever.

    Voltiger, ainsi se nommait le sénéchal, se croyant sûr de l'impunité, monta sur le trône de Constant. On lui apprit alors qu'Uter Pendragon avait échappé à la mort. Il vécut dès cet instant dans l'inquiétude et, pour se défendre en cas d'un retour qu'il redoutait, il décida de construire, aux portes de la ville, une tour haute et crénelée. La tour s'écroula le jour de son achèvement. Voltiger donna immédiatement l'ordre de la réédifier. Elle s'écroula de nouveau.

    Supposant, à juste raison, que ces écroulements successifs résultaient d'un maléfice, l'usurpateur consulta ses astronomes. Ceux-ci discutèrent longuement et décrétèrent qu'il en serait chaque fois ainsi tant que les maçons ne joindraient pas à leur mortier le sang d'un enfant de sept ans, né sans père.

    Les soldats de Voltiger se mirent en campagne pour rechercher l'holocauste réclamé par les astronomes. Ils rencontrèrent Merlin qui, précisément, venait d'atteindre sa septième année et qui leur dit ;

    - Je suis celui que vous cherchez. Si vous me jurez que vous ne me ferez aucun mal, je vous apprendrai pourquoi les tours se sont écroulées.

    On l'amena devant le roi. Il montra tellement d'autorité dans ses paroles, que celui-ci n'osa donner l'ordre de le mettre à mort avant de l'avoir entendu. Et Merlin expliqua

    - Sous les fondations de la tour habitent deux dragons. L'un est rouge et l'autre blanc. Quand le poids de la tour devient trop pesant pour eux, ils éprouvent le besoin de se tourner. C'est alors que les murs s'écroulent.

    Voltiger ordonna de creuser le sol. Dès que les ouvriers atteignirent la base des fondations, ils trouvèrent deux énormes dalles qu'ils soulevèrent. Les dragons sortirent aussitôt de leur antre et se jetèrent sauvagement l'un sur l'autre. Le dragon rouge prit d'abord le dessus, mais le blanc, plus agile,. parce que paraissant plus jeune, finit par triompher.

    - Maintenant, conclut Merlin, en s'adressa Voltiger, tu peux faire construire ta tour.

    - Je voudrais, répartit le roi, savoir ce que signifient les deux dragons.

    - Je te l'expliquerai si tu me promets encore de ne me point malmener pour t'avoir dit la vérité.

    - C'est juré !

    - Rien n'est plus simple. Le dragon rouge, c'est toi, Voltiger. Le dragon blanc, c'est Uter Pendragon. Dans trois jours vous entrerez en lutte : toi pour garder, lui pour reconquérir son royaume usurpé. Le dragon blanc sera vainqueur du dragon rouge.

    Et les événements confirmèrent pleinement vaticinations de Merlin.

    Uter Pendragon, redevenu roi, eut connaissance des révélations de Merlin. Il voulut le connaître et le fit rechercher. Au cours de leurs pérégrinations, les enquêteurs rencontrèrent un bûcheron qu'ils questionnèrent.

    - Merlin, déclara le bûcheron, m'a recommandé de vous dire qu'il se rendra au palais si le roi en personne le vient quérir.

    En apprenant la chose, le roi répondit

    - Je pars au-devant de Merlin.

    Il se trouva tout à coup en présence d'un berger qui gardait un troupeau de moutons à l'orée d'une forêt.

    - Connais-tu Merlin? lui demanda Uter Pendragon.

    - Je suis Merlin, répliqua le berger.

    Les compagnons du roi s'esclaffèrent. Ils s'arrêtèrent très vite de rire quand ils constatèrent que le berger n'était plus là et qu'à sa place se tenait l'enfant qui avait révélé à Voltiger les causes mystérieuses de l'instabilité de ses tours...

    C'est de cette façon qu'on apprit pour la première fois en Bretagne que Merlin possédait le pouvoir de prendre telle " semblance " qu'il voulait.

    Le roi, pour reconnaître ce qu'il avait fait, proposa aussitôt à Merlin de l'emmener à sa cour, où, assura-t-il, il jouirait de tous les avantages dus à son mérite.

    Merlin était sage. Il savait que les seigneurs prendraient dépit de sa présence. Il remercia le roi de son obligeance, mais refusa son offre. En revanche, il promit à Uter Pendragon de veiller sur lui et de l'aider dans tout ce qu'il entreprendrait. Très peu de temps après cette rencontre, le nouveau roi de Bretagne, grâce à Merlin, remporta plusieurs grandes victoires sur les Saines, qui étaient des païens fort méchants.

    Uter Pendragon, devenu ainsi fort puissant, décida de rassembler sa cour dans son château de Carduel, au pays de Galles. Les seigneurs se rendirent à son invitation et y amenèrent leurs dames et demoiselles. Le roi, parmi celles-ci, remarqua la belle Ygerne, qui était l'épouse du duc Hoel de Tintagel. Il en devint amoureux fou. Ygerne était fidèle et vertueuse. Elle sembla accueillir avec autant d'indifférence que de respect les déclarations de son suzerain. Uter Pendragon éprouva de son attitude un profond chagrin et, pendant une longue année, il souffrit profondément du mal d'aimer. Il en serait mort, assure-t-on, si Merlin n'était venu à son secours.

    Un jour, après qu'il lui eût confié sa peine, l'Enchanteur fit le roi se frotter la figure avec une herbe qu'il était allé cueillir à son intention au bord du ruisseau, ce qui, aussitôt, lui donna les traits et la taille du due Hoel, si bien qu'Ygerne, trompée par les apparences, accueillit cette nuit-là Uter, en croyant recevoir son époux.

    Hélas ! la semaine n'était pas terminée qu'Ygerne apprenait que son mari avait été tué au cours d'un combat malheureux, la nuit même où elle l'avait cru de retour. Elle éprouva grande douleur de cette mort, d'autant qu'elle ne pouvait lui demander pardon désormais de l'avoir trompé.

    Uter Pendragon, qui aimait toujours davantage Ygerne, sollicita sa main. Elle n'osait accepter. Merlin la décida. Comme elle était honnête, elle voulut que le roi connût ce qui lui était advenu. Elle lui avoua qu'elle serait bientôt mère.

    - Belle amie, lui répondit-il en souriant, n'en dites rien à personne. Quand votre enfant naîtra, nous le confierons discrètement à quelqu'un qui l'élèvera.

    Merlin emporta effectivement le nouveau-né, chargea le cavalier Antor de le faire baptiser, de l'élever et de l'éduquer en même temps que son fils Keu, qui était venu au inonde quelques jours plus tôt.

    Le chevalier Antor remplit fidèlement sa mission et le fils d'Ygerne reçut le nom d'Arthur ou Artus.

    Seize années passèrent. Uter Pendragon mourut de sa belle mort. Arthur fut proclamé roi de Bretagne. Il choisit Ken, son frère de lait pour sénéchal.

    Onze seigneurs parmi les plus puissants refusèrent tout d'abord de reconnaître pour suzerain un bâtard. Ils se liguèrent et vinrent mettre le siège devant le château d'Arthur. Merlin, du haut des tours, jeta sur le camp des insurgés de tels enchantements que toutes leurs tentes prirent feu. Profitant du désarroi causé par l'incendie, Arthur et les seigneurs qui lui étaient demeurés fidèles firent une sortie. Il y eut un combat violent qui dura plusieurs heures. Il ne prit fin qu'au moment où le nouveau roi tira de son fourreau son épée : Escalibor, et tailla en pièces l'armée de son agresseur qui, avec tous ses chefs. prit la fuite.

    Dès que la paix du royaume fut assurée, sur les conseils de Merlin, avec quarante preux, parmi lesquels se trouvaient le roi Ban de Benoie et son frère Bohor, Arthur alla se mettre au service du roi de Carmélide, Léodagan, afin de le débarrasser des ennemis qui l'accablaient. La seule condition imposée était que le roi secouru ne chercherait pas à savoir le nom de ses alliés.

    Léodagan fit à Arthur et à ses compagnons un accueil empressé. Sa fille, Guenièvre, la plus belle femme qu'il y eut alors en Bretagne, leur présenta de l'eau fraîche dans un bassin d'argent et, de ses mains, leur lava le visage et le cou qu'ils avaient eu couverts de poussière, au cours d'un dernier combat.

    Arthur et Guenièvre se regardèrent avec tendreté. L'amour le plus fervent fit simultanément battre leurs deux cœurs.

    Ayant mis ainsi Arthur en présence de celle qui devait être aimée de lui et qui l'aimerait également, Merlin se rendit en Armorique.

    Il y avait alors, au cœur de la péninsule, une forêt immense qui couvrait tout le pays compris aujourd'hui entre Fougères et Quintin pour le septentrion, Corlay et Camors pour le couchant ; le Faouêt et Redon pour le midi. Elle mesurait près de trente lieues de longueur et plus de vingt lieues pour la largeur. Le maître de ce vaste domaine sylvestre était un affreux géant tout noir, qui n'avait qu'un pied et qu'un œil. Les animaux, aussi bien que les végétaux et les éléments, lui obéissaient. A sa volonté, sur un appel de sa voix, un geste de sa main, une profonde obscurité emplissait les clairières ; les arbres apparaissaient tout en feu ; d'affreux hurlements s'élevaient de toutes parts, que les échos, en se les renvoyant, rendaient encore plus effrayants ; des monstres surgissaient des cavernes insondables ; des serpents hideux enlaçaient de leurs replis les troncs enflammés.

    Quiconque s'aventurait au sein de la mystérieuse immensité voyait les arbres se mettre en mouvement, se rapprocher les uns des autres derrière lui, pour lui fermer le passage et le maintenir éternellement captif dans l'enceinte du Val sans Retour.

    Il y avait encore, dans cette forêt, de nombreux étangs. Leurs eaux stagnantes et sombres reflétaient la voûte de verdure épaisse qui les ombrageait. D'autres étaient recouverts d'herbes aquatiques et de mousses, destinées à tromper les pas de ceux qui auraient cru marcher sur la terre ferme.

    Une source, appelée Fontaine de Baranton, coulait près d'un rocher. Les korrigans et les fées venaient s'y mirer et s'y baigner. Il suffisait de verser quelques gouttes de son eau sur sa margelle, pour que d'épouvantables orages se déchaînassent immédiatement.

    Cette forêt, qui avait nom Brocéliande, de par les bardes et les trouvères qui l'ont célébrée, a servi de cadre aux plus fameux romans de la chevalerie et du cycle breton.

    C'est en Brocéliande que s'en fut Merlin. Comme, sous la " semblance " d'un joyeux jouvenceau, il s'avançait par maints sentiers perfides, fermés d'épines et de branches vertes, devant la fontaine de Baranton, il rencontra une jouvencelle dont il admira fort la beauté. Il la salua sans cependant lui adresser mot, car il redoutait, s'il lui parlait, de perdre toute liberté d'esprit et de cœur.

    Il savait en effet qu'elle se nommait Viviane, qu'elle était la fille d'un vassal, filleul de la déesse Diane, qu'il était désigné pour l'aimer et être aimé d'elle et qu'il lui serait soumis entièrement et en toutes choses, dès qu'il l'aurait vue et se serait entretenu avec elle.

    Ce fut elle qui lui parla la première. Elle lui demanda qui il était, d'où il venait, où il allait.

    Merlin répondit à Viviane que, si elle voulait lui promettre son amour sans rien de plus, il lui montrerait quelques-uns des jeux auxquels il avait coutume de se livrer.

    Viviane promit à l'Enchanteur, une amitié qui saurait toujours demeurer forte et pure. Alors, il fit surgir, devant elle, un château somptueux, précédé d'une vaste pelouse qu'entourait un verger aux arbres chargés de fruits sûrs et sur laquelle des couples nombreux de dames et de seigneurs s'avancèrent aux accords d'une musique exquisement mélodieuse. Leur danse terminée, les couples s'évanouirent dans la forêt. Le château disparut

    ensuite. Seul, à la demande de Viviane, le verger demeura.

    Viviane était curieuse comme toutes les jeunes filles. Elle pria Merlin de lui apprendre le secret de ses jeux. Merlin y consentit, à condition qu'elle se donnerait elle-même à son plaisir.

    - Je le ferai si vous m'enseignez tout ce que veux savoir.

    Il lui apprit ainsi à faire couler un ruisseau en tous lieux qu'il lui plairait, à marcher sur un étang sans se mouiller les pieds.

    Quand il l'eut satisfaite, il prit congé d'elle, après lui avoir promis de revenir bientôt.

    A son retour, Merlin fut accueilli avec joie à la cour de Léodagan où l'attendaient Arthur et ses compagnons. Le roi de Carmélide ne savait toujours pas quels étaient les chevaliers qui, si courageusement et si gentiment, étaient venus se mettre à son service, bien qu'il les eût, à maintes reprises, invités à décliner leurs noms et qualités.

    Il renouvela ses questions devant Merlin. Celui-ci lui répondit, en désignant Arthur :

    - Si grand que vous soyez, il est encore plus grand. Nous courons tout le monde dans l'espoir de lui trouver une femme qui soit digne de ses mérites.

    - N'ai-je pas ici, en ma fille Guenièvre, la femme la plus belle et la plus sage qui soit ?

    - Elle ne sera pas refusée, s'il plaît à Dieu.

    Léodagan prit la main de Guenièvre et, bien qu'il ignorât toujours ses titres, la plaça dans la main d'Arthur.

    Merlin, reprenant la parole, déclara au roi que le gendre qu'il venait librement de choisir n'était autre qu'Arthur, roi des Bretons.

    On fit les fiançailles. Dès qu'elles furent terminées, Arthur annonça qu'il se voyait dans l'obligation de s'éloigner pour quelque temps, car il lui restait encore des ennemis à vaincre.

    Léodagan et Guenièvre s'inclinèrent.

    Arthur et ses compagnons gagnèrent le Val Périlleux. Le roi de Bretagne y découvrit, toujours par l'entremise de Merlin, quinze épées merveilleuses. Il vit également venir à lui, le soir même, quatorze chevaliers, que conduisait Gauvain, fils du roi d'Orcanie.

    Alors, devant le roi, les seigneurs, les chevaliers assemblés, Merlin conta l'histoire du saint Graal, le vase précieux dans lequel Joseph d'Arimathie avait recueilli le sang de Jésus-Christ au moment où, après sa mort, on le détachait de sa croix. Il exposa comment, de Judée, Joseph d'Arimathie avait transporté le Graal chez les Bretons du pays de Galles et de l'Ecosse pour, finalement, le déposer au château de Corbanie, sous la garde du plus jeune de ses frères, fondateur de la dynastie des Rois Pêcheurs, dont le dernier descendant, Pellehan-Pellès, donnerait le jour à une fille qui, elle-même engendrerait celui qui connaîtrait la vérité du saint Graal et achèverait les temps aventureux.

    Ce récit avait été écouté avec autant d'attention que de respect. Merlin, finalement, s'adressa plus particulièrement à Arthur : il lui dit qu'il lui appartenait, maintenant, de dresser la table du Graal en mémoire de la Sainte Trinité et que, de cette table, il aurait grand honneur, car il en adviendrait moult merveilles.

    - La table sera dressée au château de Carduel, en Galles, répondit Arthur, et, le jour de Noël, j'élirai les chevaliers qui auront le droit d'y siéger.

    Fort de cette assurance, Merlin retourna en Brocéliande, auprès de Viviane. Ils eurent l'un l'autre grande joie de se revoir, mais elle, tout de suite, lui demanda de lui enseigner quelques nouveaux jeux : par exemple, de pouvoir endormir un homme à son gré !

    - Et pourquoi voulez-vous savoir pareille chose ? questionna Merlin.

    - Pour pouvoir endormir mon père, et ma mère quand vous viendrez me voir.

    Merlin n'était aucunement dupe de la ruse de Viviane. Il se refusa tout d'abord à lui livrer son secret. Elle n'en parut pas chagrine cependant. Elle savait qu'elle arriverait à ses fins. Le dernier jour, il céda. Il lui donna trois mots qu'elle prit par écrit cœur qui avaient cette vertu que nul homme ne la pouvait posséder charnellement lorsqu'elle les portait sur elle .

    Arthur obtint à quelque temps de là l'hommage de tous ses vassaux. N'ayant plus rien à redouter d'eux, il leur rendit leurs fiefs et il épousa Guenièvre.

    Quand, le jour de ses noces, la future reine parut, ce fut un éblouissement. Elle était merveilleusement belle. Les plus somptueux vêtements que l'on eût jamais vus drapaient son corps. Sa robe tissée d'or traînait à plus d'une demi toise. Les fêtes durèrent toute une semaine. On y entendit les meilleurs ménestrels du pays. Les chevaliers coururent la quintaine. Les dames et les jouvenceaux dansèrent dans les salles du palais, décorées de fleurs rares et de tentures de soie.

    Le neuvième jour, Arthur prévint ses barons de se préparer au départ, car, en compagnie de la reine, il désirait regagner son château.

    Les rois Ban de Benoic et Bahor, qui n'avaient pas quitté leur suzerain depuis qu'il guerroyait contre les infidèles, obtinrent de rejoindre leurs domaines. Ils partirent, accompagnés de Merlin.

    Ce fut grande joie chez eux quand ils arrivèrent. La nuit même, la reine Hélène conçut du roi Ban un enfant qui, plus tard, eût nom Lancelot, et la femme du roi Bahor, elle aussi, conçut, cette nuit-là, un fils lorsqu'il naquit, portait sur la poitrine l'image d'un lion couronné, ce qui fit qu'on le baptisa Lionel.

    En quittant les rois Ban et Bahor, Merlin se rendit, pour la troisième fois, dans la forêt de Brocéliande. Viviane fit à son ami un accueil si chaleureux qu'il sentit grandir encore pour elle son amour. Elle connaissait déjà la plupart de ses secrets. Elle savait surtout qu'il était incapable de ne pas lui accorder ce qu'elle réclamerait.

    Il fit surgir, pour lui complaire, à la place du lac, au bord duquel ils cheminaient, un, château plus merveilleux encore que le premier qu'il avait évoqué pour elle.

    - C'est votre manoir, lui dit Merlin. Jamais personne ne le verra qui ne soit de votre maison, car il est invisible pour t out autre ; aux yeux de tous il n'y a que de l'eau. Et si, par envie ou traîtrise, quelqu'un de vos gens en révélait le secret, aussitôt le château disparaîtrait pour lui, et il se noierait en y croyant entrer.

    Viviane ne cacha pas sa joie. Elle était vraiment femme et elle savait pouvoir se montrer impunément exigeante. Elle demanda à son ami de lui apprendre quelques autres de ces enchantements.

    - Beau sire, murmura-t-elle, il y a encore une chose que je voudrais savoir : c'est comment je pourrais enserrer un homme sans tour, sans murs, et sans fers, de manière qu'il ne pût jamais s'échapper sans mon consentement.

    Merlin qui devinait toute sa pensée lui répondit :

    - Je vois bien ce que vous voulez. Votre but est de me retenir ici, mais je vous aime tellement qu'il me faudra bien vous obéir.

    - Puisque je vous aime autant que vous m'aimez, ne devez-vous pas faire mes volontés et moi les vôtres ?

    - La prochaine fois que je vous viendrai voir, je vous enseignerai ce que vous désirez...

    Et Merlin fut obligé de se faire violence à lui-même pour retourner auprès d'Arthur et de ses compagnons.

    Le jour de Noël qui suivit ces événements, il y eut grand festin au château de Carduel. Comme le repas se terminait, Merlin, avec la permission du Roi, prit la parole en ces termes :

    - Seigneurs, je vous rappelle que le très saint Graal, où Joseph d'Arimathie recueillit le sang divin, a été transporté dans la Bretagne bleue. Il sera retrouvé par le meilleur chevalier de ce monde. Il est écrit aussi que notre roi Arthur doit établir ici même la table qui sera la troisième après celle de la Cène et celle du Graal. Cette table sera ronde, pour signifier que tous ceux qui s'y devront asseoir n'y jouiront d'aucune préséance. A la droite du roi demeurera toujours un siège vide en mémoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qui se risquerait à le prendre, sans être l'élu, serait englouti en terre puisqu'il est réservé au Chevalier qui ayant conquis le saint Graal en connaîtra le sens et la vérité.

    - Qu'il en soit ainsi, déclara Arthur.

    Ces mots étaient à peine achevés qu'apparut, au milieu de la salle, une immense table ronde, autour de laquelle se trouvaient cent cinquante sièges de bois. Sur beaucoup d'entre eux était écrit en lettres d'or : " Ici doit seoir un tel ". Sur le fauteuil à droite du roi, aucun nom ne se lisait.

    Arthur fit alors apporter et placer sur le milieu de la table les meilleures reliques que l'on put trouver. Gauvain prononça, au nom de tous, le serment solennel : que jamais dame, demoiselle ou homme ne viendrait demander aide à la cour sans l'obtenir et que si l'un des compagnons présents disparaissait, les autres, tour à tour, se mettraient sans arrêt à sa recherche, pendant un an et un jour.

    Tous les chevaliers, d'une même voix, jurèrent alors sur les saints de tenir le serment exprimé pour eux par Gauvain. La reine, à son tour, demanda que les quatre clercs se tinssent toujours céans et consignassent par écrit les aventures des chevaliers. Et il en fut ainsi décidé.

    Pour la quatrième fois, Merlin quitta la cour du roi Arthur. De longtemps on n'y entendit plus parler de lui.

    Il était retourné à Brocéliande auprès de Viviane, et, cédant à sa prière, il lui avait donné les moyens de le faire prisonnier d'amour pour toujours désormais.

    Merlin avait été ordonné chevalier par Arthur avant son départ de Carduel. Gauvain résolut donc, conformément à son serment, de se mettre à la recherche de l'Enchanteur, puisqu'il ne revenait pas. Il partit bien décidé à courir le monde et à le retrouver.

    Un jour qu'il traversait une forêt, il rencontra une demoiselle qui chevauchait montée sur un magnifique palefroi. Perdu dans sa rêverie, il passa auprès d'elle sans la saluer. Pour un chevalier c'était une faute grave. La demoiselle lui reprocha son manque de courtoisie et lui dit que, par représailles, elle lui souhaitait de ressembler au premier homme qu'il croiserait.

    Gauvain continua sa route, sans trop prêter d'attention à ce souhait. Tout à coup, il se trouva face avec un nain. Il le salua et poursuivit son chemin. A mesure qu'il avançait, il sentit ses bras et ses jambes diminuer de longueur et son corps se rapetisser à la taille de celui d'un enfant. Il comprit alors que, suivant le désir de la demoiselle, il était à son tour devenu nain. Il ne voulut pas, malgré son chagrin d'une pareille mésaventure, abandonner sa mission et il s'enfonça dans la forêt de Brocéliande.

    Comme il arrivait auprès de la fontaine de Baranton, il s'entendit appeler par son nom et reconnut la voix de Merlin.

    - Où êtes-vous - demanda Gauvain à l'Enchanteur. Ne pouvez-vous vous montrer, vous le plus sage des hommes -

    - Dites le plus fol, car je savais ce qu'il m'adviendrait si je revenais ici, et je suis revenu.

    Et il raconta comment, pendant son sommeil, Viviane l'avait enserré pour le retenir à tout jamais, et l'empêcher, à moins qu'elle le lui permit quelque jour, de retourner chez le roi.

    Gauvain, désolé, se remit en route pour Carduel, de façon à y être de retour un an, jour pour jour, après son départ. En retraversant la forêt, il rencontra de nouveau la demoiselle qui l'avait enchanté. Elle était aux prises avec des chevaliers félons qui lui voulaient du mal. Gauvain fondit sur eux et, malgré la petitesse de sa taille, comparée à celle de ses adversaires qui étaient grands et forts, il les mit en déroute. La demoiselle se montra reconnaissante de son dévouement, et, sur la promesse qu'il lui fit d'être toujours courtois, elle lui permit de redevenir ce qu'il était avant leur première rencontre.

    Gauvain arriva à la cour au jour prévu. Il fit à Arthur et à Guenièvre un long récit de son voyage, récit que les clercs couchèrent immédiatement par écrit.

    La puissance et la gloire d'Arthur avaient atteint leur apogée. Cependant, pour les garder, le roi de Bretagne se voyait obligé de lutter continuellement contre ses irascibles ennemis, les Saxons, les Pictes et les Scots. Il en triomphait facilement, car de nouveaux chevaliers, vaillants autant que dévoués, étaient venus prendre place autour de la Table Ronde, où le siège réservé à celui qui aurait l'honneur et la joie de reconquérir le saint Graal demeurait pourtant toujours inoccupé.

    C'est ainsi qu'Arthur combattit tour à tour dans 1'lle de Bretagne et en Armorique. Il débarrassa Tombelaine et le Mont Saint-Michel d'un géant qui les terrorisait. Il mit à mort, avec l'appui de saint Efflam, le dragon de la Lieue de Grève qui était bien le monstre le plus redoutable qui se fût vu en Armorique.

    Au cours de ces chevauchées, il résida successivement dans son camp, auprès du Huelgoat, dans son château de Kerdhuel, bâti sur les plans de celui de Carduel, dont les murailles se reflétaient dans l'eau de l'étang que l'on voit toujours en Pleumeur-Bodou sur le chemin de l'Ile Grande et de l'Ile d'Aval. Arthur séjourna également dans le château de Joyeuse Garde, devenu le domaine de Lancelot, lequel, après avoir chassé les quarante géants qui l'habitaient, en avait fait un lieu de délice.

    Lancelot, fils du roi Ban de Bénoie et de la reine Hélène, avait été, au moment de sa naissance, baptisé du nom de Galahad. Ses parents avaient dû prendre la fuite, parce que Claudas, roi de la Terre-Déserte, s'était emparé de leur château, par suite de la trahison du sénéchal Banin. Viviane avait recueilli Galahad. Elle l'avait élevé dans une retraite au fond du lac de Diane et avait exigé qu'il prit le nom de Lancelot.

    Lancelot, par sa mère, descendait directement de Pallès, frère de Joseph d'Arimathie et dernier des riches Rois Pêcheurs. La gloire de reconquérir le saint Graal, suivant la tradition, devait donc lui revenir. Il en fut autrement.

    Compagnon de Gauvain, frère d'armes de ses cousins Lionel et Bohor, et aussi de Perceval, Lancelot était, comme ce dernier, jeune, ardent et fort, d'une grande beauté et d'un caractère généreux et noble.

    A l'âge de seize ans, il quitta, malgré ses supplications, la " Dame du Lac à qui il devait tout Et se présenta à la cour. Arthur et la reine l'accueillirent avec amitié et Guenièvre ne tarda pas à lui témoigner une tendre affection qu'il lui rendit.

    Arthur avait vieilli. Certains, dans son entourage, désiraient qu'il disparût. Ils espéraient, en leur for intérieur, lui succéder. Cependant les événements ne tournaient ni assez vite, ni selon leur gré. Les serviteurs félons n'hésitèrent donc pas à sceller une alliance avec les pires ennemis de leur suzerain et tout particulièrement avec le roi c du pays d'où l'on ne revient pas ". Supposant que les difficultés extérieures ne suffiraient pas à abattre Arthur, ils essayèrent encore de jeter le trouble dans son esprit et dans son cœur. Ils lui firent entendre que l'affection de Guenièvre pour Lancelot était un amour coupable. Arthur refusa d'écouter la calomnie. Ce que voyant, les ambitieux déçus attirèrent la reine dans un guet-apens. Le roi " du Pays d'où l'on ne revient pas> la surprit et l'emmena en captivité.

    Le vieux roi, désespéré, appela à son recours les chevaliers qui lui étaient demeurés fidèles. Gauvain, Perceval et Lancelot partirent à la recherche de la reine, décidés à mourir ou à la ramener. Les félons les attaquèrent et les séparèrent, si bien que chacun d'eux, après s'être défait de ses adversaires, se retrouva seul sur la route. Lancelot mena de rudes combats. Jamais son courage et sa patience ne furent à bout. Mais à l'issue d'une rencontre avec les partisans du ravisseur de Guenièvre, il découvrit enfin le château où elle était retenue prisonnière et la délivra.

    Le retour de la reine et le triomphe de Lancelot constituaient un échec pour les coalisés. Ils n'en devinrent que plus audacieux. Ils n'eurent plus d'autre pensée que de provoquer un scandale qui rejaillirait sur Guenièvre, chagrinerait le roi et perdrait le " chevalier blanc -

    L'amour entre Guenièvre et Lancelot avait grandi. S'il demeurait pur, il pouvait, aux yeux du monde, paraître coupable. Le roi lui-même, cédant aux instances de ceux qui ne cessaient d'attirer son attention sur la prétendue trahison de la reine et du chevalier, se résolut un jour à les chasser. La cour était assemblée et Arthur allait prononcer la sentence, quand il vit arriver Merlin accompagné de Viviane. L'Enchanteur démasqua les délateurs et convainquit le roi de l'innocence des accusés.

    Les noirs projets des chevaliers félons échouaient donc une fois de plus. Ceux-ci, pourtant, ne se considéraient pas encore comme battus. Ils reprirent la lutte sur un terrain plus vaste. lis mirent à leur tête Medraud, le propre neveu du roi, et déclarèrent une guerre ouverte. L'ennemi se montra partout dès son entrée en campagne. La haine et la jalousie s'entr'appuyèrent. Les Saxons, les Pictes et les Scots donnèrent la main aux Norvégiens, aux Normands et aux Danois. Leurs nefs croisèrent en vue des côtes. Les soldats r épandirent la terreur dans les villes et dans les villages.

    Arthur, malgré son grand âge, releva le dé passa en Armorique.

    Un grand combat eut lieu dans l'île d'Aval, en avant de l'Ile-Grande, dont les falaises de granit blanc dominent la côte entre Trébeurden et Trégastel, à quelque distance de Kerdhuel. Arthur, grièvement blessé, aurait été fait prisonnier si les siens ne l'eussent emporté. Et il serait mort sans aucun doute, si la fée Morgane n'avait elle-même pansé ses blessures.

    Quand les forces lui revinrent, Arthur manifesta l'intention de quitter l'île d'Aval et de prendre sa place à la tête de ses chevaliers. Mais il dut demeurer prisonnier de celle qui l'avait soigné et qui le faisait étroitement garder par neuf de ses fées. Il souffrit d'abord beaucoup de cette situation, contre laquelle son caractère se révoltait. Il pria Merlin de lui indiquer les moyens de réduire à néant les effets de l'enchantement qu'il subissait. L'ami de Viviane se rendit aussitôt à l'île d'Aval et, au lieu d'entrer dans les vues d'Arthur, à sa grande surprise, il lui recommanda la patience et la résignation.

    - Rends-moi ma jeunesse et rends-moi mon royaume, supplia le roi de Bretagne.

    - Je n'en ai plus le pouvoir, lui répondit Merlin.

    - N'es-tu plus l'Enchanteur

    - Je ne suis plus qu'un homme. J'ai abdiqué toute ma science dans le cœur de mon amie. En échange elle m'a donné toute sa tendresse. Fais comme moi. Détache-toi de la grandeur et de l'amour humain. Ton trône était éphémère. Conquiers, tu le peux, un trône éternel et en outre tu demeureras immortel dans l'esprit des hommes.

    Le roi comprit toute la sagesse des paroles de Merlin. Il renonça à sa couronne pour qu'en fût ceint le front de Gauvain à la conquête du saint Graal, qui fut l’œuvre du fils de Lancelot, lequel s'appelait du premier nom de son père Galahad à Guenièvre, l'épouse qu'il avait injustement soupçonnée.

    Et c'est ainsi que, depuis quinze siècles, Arthur repose dans l'île d'Aval, en attendant que sonne l'heure où la Bretagne, ayant besoin de lui, le rappellera à la lumière.
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    Message par provence26 Mer 10 Nov - 18:33


    l'ankou dans la maison neuve


    Fulupic an Toër, un couvreur en chaume, de Plouzélambre, achevait un soir de couvrir une maison neuve qu'un petit fermier de la commune avait fait bâtir dans le dessein de venir l'habiter à la Saint-Michel suivante.
    Son travail fini, Fulupic descendit de son échelle et l'enleva pour la serrer à l'intérieur de la maison, avec ses autres outils, ainsi qu'il en avait coutume chaque soir au moment de regagner son logis. Mais, quand il ouvrit la porte à cet effet, il fut tout étonné d'apercevoir une ombre debout dans le couloir qui séparait la cuisine de la pièce de décharge.
    -Piou zo azé ? (Qui est là ?) demanda-t'il, non sans un petit froid dans le dos, car il était certain que, de toute la journée, pas un être vivant ne s'était montré dans les alentours.
    L'ombre ne bougea ni ne répondit. Alors il répéta sa question :
    -Piou zo azé ?
    Même silence de la part de l'inconnu.
    -Sacré Dié, se dit Fulupic, voici un personnage qui ne semble pas désireux de lier conversation. Il ne doit cependant pas s'être introduit pour voler, car, puisqu'il n'y a que le toit et les murs, je ne vois pas ce qu'il pourrait emporter.
    Je vais l'interpeller une troisième fois ; s'il persiste à faire le muet, tant pis, je lui enfonce mon échelle dans le ventre : ça lui ouvrira peut-être la bouche, du même coup.
    Et Fulupic de recommencer pour la troisième fois :
    -Piou zo azé ?
    Et cette fois fut, en effet, la bonne, car l'homme mystérieux releva la tête qu'il avait jusqu'alors tenue obstinémént baissée sur la poitrine, et, d'une voix caverneuse, il prononça :
    -Da vestr ha mestr an holl, pa teuz c'hoant da glewed (Ton maître est le maître de tous, puisque tu désires le savoir).
    La curiosité de Fulupic était plus que satisfaite. Dans le visage de l'homme, la place des yeux et celle du nez étaient vides, et la mâchoire inférieure pendait. Le couvreur ne se soucia pas d'avoir d'autres explications. Il planta là son échelle et se sauva de toute la vitesse de ses jambes : il avait reconnu l'Ankou.

    Source : La Légende de la Mort, d'Anatole Le Braz.


    ====

    Légende de L'or de Chat - légende du pays de Saint-Malo




    Littérature - Légende bretonne

    Au pays de Saint-Malo, il y avait naguère plus de fées dans la mer et sur les grèves qu'on ne comptait de bergères dans les landes.
    Un soir de lune, une troupe de fées se livraient à la danse ronde. Il arriva que douze jeunes gens étaient en fête, quand ils furent un peu chauds de boire, ils décidèrent d'aller inviter à la contredanse les belles fées de la grève.


    Mais, au cours de la danse, elles s'aperçurent que les garçons avaient le souffle court et les jambes de laine, et elles entrèrent en fureur. D'un coup de leur baguette, elles changèrent les malappris en six gros matous noirs et six chattes blanches.


    Quand elles virent les pauvres animaux miauler de détresse, la bonté naturelle des fées de Saint-Malo leur attendrit le coeur, et elles promirent aux farauds de les rétablir dans leur forme première aussitôt qu'ils auraient filé, pour chacune d'elles, un manteau d'or et une robe d'argent tissés dans le seul mica de la grève.


    La tâche n'eut pas été longue si les fées n'avaient précisé qu'ils ne pourraient filer que durant les douze coups de minuit.


    Les six matous et les six chattes se mirent au travail sans attendre. Lorsque toutes les fées furent habillées, elles frappèrent les chats de leur baguette et en refirent des humains. On ne dit pas si plusieurs siècles avaient passés sur leur tête.



    Ce qui est sûr, c'est qu'il est très rare de voir de vrais chats s'égarer sur le sable de mer. A Saint-Malo, pourtant, "argent de chat" est le nom du mica gris. Quand ce mica s'allume d'un reflet blond, il devient "l'or de chat", dont se tissait jadis le manteau d'apparat des Dames de la Mer







    - Légende du Forgeron à Ploumilliau


    Littérature - Légende bretonne

    L'HISTOIRE DU FORGERON

    Fanch ar Floch était forgeron à Ploumilliau. Une certaine veille de Noël, il dit à sa femme après souper :
    -Il faudra que tu ailles seule à la messe de minuit avec les enfants : j'ai encore une paire de roues à ferrer que j'ai promis de livrer demain matin sans faute, et, lorsque j'aurai fini mon travail, c'est de mon lit que j'aurai surtout besoin. A quoi sa femme répondit :

    -Tache au moins que la cloche de l'élévation ne te trouve pas encore travaillant.

    -Oh ! fit-il, à ce moment là, j'aurai déjà la tête sur l'oreiller.

    Le temps était clair et piquant quand il retourna à son enclume.

    -Nous prierons pour toi, dit la femme, mais souvient toi de ton coté de ne pas dépasser l'heure sainte.

    -Non, non, tu peux être tranquille.

    Il se mit à battre le fer mais le temps s'use vite quand on besogne ferme. Fanch ar Floch ne l'entendit pas s'écouler et le bruit de son marteau sur l'enclume l'empêcha d'entendre la sonnerie lointaine du carillon des cloches de Noël. L'heure de l'élévation était passée quand tout à coup, la porte grinça sur ses gongs.

    -Salut ! dit une voie stridente.
    -Salut ! répondit Fanch.

    Il dévisagea le visiteur : c'était un homme de haute taille, le dos un peu voûté, habillé à la mode ancienne, avec une veste à longues basques et des braies nouées au dessus du genou.Un chapeau à larges bords rabattus empêchait de voir ses traits.Il reprit :

    -J'ai vu de la lumière chez vous et je suis entré, car j'ai un besoin pressant de vos services.

    -Sapristi ! dit Fanch, vous tomber bien mal, j'ai encore à ferrer cette roue et je ne veux pas, en bon chrétien, que la cloche de l'élévation me surprenne au travail.

    -Oh ! dit l'homme, avec un ricanement étrange, il y a plus d'un quart d'heure que la cloche de l'élévation a tinté.

    -Ce n'est pas Dieu possible ! s'écria le forgeron en laissant tomber son marteau.

    -Si fait ! repartit l'inconnu...ainsi que vous travailliez un peu plus, un peu moins ! ...Ce n'est pas ce que j'ai à vous demander qui vous retardera beaucoup: il ne s'agit que d'un clou à river.

    En parlant de la sorte, il exhiba une large faux dont il avait caché le fer derrière ses épaules.

    Voyez continua t il, elle branle un peu : vous aurez vite fait de la consolider.

    Mon Dieu, oui ! Si ce n'est que cela, je veux bien.
    L'homme s'exprimait d'une voix impérieuse qui ne souffrait aucun refus. Il posa le fer de la faux sur l'enclume.

    -Eh, mais il est emmanché à rebours, votre outil ! observa le forgeron. Le tranchant est en dehors ! Quel est le maladroit qui vous a fait ce bel ouvrage ?

    -Ne vous inquiétez pas de cela, dit sévèrement l'homme. Il y a faux et faux. Contentez vous de bien la fixer.

    -A votre gré, marmonna Fanch ar Floch, à qui le ton du personnage ne plaisait pas.En un tour de main, il eu rivé un autre clou à la place de celui qui manquait.

    -Maintenant, je dois vous payer, dit l'homme.
    -Oh, ça ne vaut pas qu'on en parle.
    -Si, tout travail mérite salaire. Je ne vous donnerai pas d'argent, Fanch ar Floch, mais quelque chose qui a plus de prix que l'argent et l'or : un bon avertissement. Allez vous coucher, pensez à votre fin et, quand votre femme rentrera, commandez lui de retourner au bourg vous chercher un prêtre. Le travail que vous venez de faire pour moi est le dernier que vous ferez de votre vie. Kénavo ! ( au revoir. )

    L'homme à la faux disparut.
    Déjà Fanch ar Floch sentait ses jambes se dérober sous lui : il n'eut que la force de regagner son lit ou sa femme le trouva suant les angoisses de la mort.

    -Retourne au bourg et va me chercher un prêtre, lui dit-il. Au champs du coq, il rendit l'âme, après avoir forgé la faux de l'Ankou.


      La date/heure actuelle est Dim 19 Mai - 8:17