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    provence26
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    Message par provence26 Dim 12 Sep - 18:13




    - Malo, le jardinier du roi, a un sixième fils – Le roi propose d’être le parrain de l’enfant, nommé Chales – Le roi abandonne le berceau de Charles en mer, afin qu’il ne risque pas d’épouser un jour sa fille – L’enfant est recueilli par un marchant – Le roi retrouve l’enfant, comprend qui il est et veut le faire mettre à mort – Charles arrive au château du roi, où au lieu de l’assassiner, on le reçoit cordialement – La fille du roi veut l’épouser – Ne pouvant s’y opposer, le roi y met la condition que Charles lui rapportera trois poils de la barbe d’or du Diable – La mère du Diable le conduit au château de son fils – Pendant que le Diable dort, elle arrache trois poils de sa barbe et les donne à Charles – Il rentre au palais du roi, qui en voyant les trois poils d’or meurt de rage – Charles épouse la princesse -


    Il se nommait Malo et était jardinier à la cour d’un roi. Mais, comme il était déjà âgé, il ne travaillait plus guère et avait la surveillance des autres jardiniers de la cour.
    Le roi, qui aimait à causer avec lui, quand il venait se promener dans le jardin, lui dit un jour :
    — Ta femme est donc enceinte encore, Malo ?
    — Oui, sire, et je serai bientôt père pour la sixième fois, car, comme vous le savez, j’ai déjà cinq enfants. Mais, ce qui m’embarrasse le plus, c’est de savoir où trouver un parrain pour le sixième.
    — Eh bien, que cela ne t’inquiète plus ; viens me trouver, quand ton enfant naîtra, et je lui trouverai un parrain.
    Huit jours plus tard, Malo alla trouver le roi, et lui dit :
    — Il vient de me naître un sixième garçon, sire.
    — Eh bien, répondit le roi, c’est moi qui serai son parrain.
    Le baptême fut célébré solennellement, et l’enfant fut nommé Charles. Puis, il y eut un grand dîner, au palais du roi. Vers la fin du repas, le vieux jardinier, qui avait bu un peu plus que d’habitude, était gai et dit, en levant son verre plein :
    — A votre santé, sire, et Dieu fasse la grâce à mon fils nouveau-né d’être uni un jour à la princesse votre fille.
    Il y avait quelques jours seulement qu’une fille était aussi née au roi.
    Le monarque fut mécontent du souhait de son jardinier, et il le renvoya.
    Malo entra chez un grand seigneur.
    Cependant, le roi ne tarda pas à regretter son vieux jardinier, et il lui demanda de revenir à la cour, comme précédemment.
    Malo, qui regrettait également les beaux jardins où il avait passé toute sa vie, et les bonnes conversations avec son roi, revint volontiers. Le roi voulut se charger de l’éducation de Charles, et Malo y consentit facilement.
    Le vieux monarque n’avait pas oublié les paroles imprudentes du jardinier, au dîner du baptême, et il voulait prendre ses précautions, de bonne heure, pour empêcher la réalisation du souhait qu’il avait exprimé.
    Charles fut bientôt exposé sur la grande mer, dans un berceau de verre, et abandonné à la grâce de Dieu.
    Le roi attendait son marchand de vin de Bordeaux, qui devait venir lui apporter du vin. Le marchand de Bordeaux rencontra en mer le berceau où avait été exposé Charles. Il recueillit l’enfant, admira sa beauté et résolut de l’amener à sa femme et de l’adopter. Dans sa joie et son empressement à le montrer à sa femme, il fit virer de bord son bâtiment et retourna immédiatement à Bordeaux.
    Sa femme fut heureuse du cadeau que lui faisait son mari, car ils n’avaient pas d’enfants, quoique mariés depuis longtemps. Charles fut dès lors élevé et instruit comme s’il eût été le propre fils du marchand. On le baptisa de nouveau, dans la crainte qu’il ne l’eût pas été déjà, et le hasard voulut qu’on lui donnât encore le nom de Charles. On lui donna des maîtres de toute sorte, et il appelait le marchand et sa femme son père et sa mère, car on le laissa dans une ignorance complète de ses premières années.
    Cependant le roi, plusieurs années plus tard, fit un voyage à Bordeaux. Quand il vit Charles, il admira sa bonne mine et demanda au marchand s’il était son enfant. Le marchand lui raconta comment, l’ayant trouvé en pleine mer, dans un berceau de verre, il l’avait recueilli et adopté comme son propre enfant. Alors le roi vit clairement que c’était l’enfant de son jardinier, celui-là même dont il avait voulu se débarrasser, et demanda au marchand de le lui céder, pour qu’il en fît plus tard son secrétaire. Le marchand céda l’enfant à son roi, mais à regret.
    Le roi, qui ne devait pas retourner immédiatement à Paris, envoya Charles devant et lui donna une lettre pour la reine, dans laquelle il ordonnait à celle-ci de faire mettre à mort le porteur, dès qu’il arriverait. Il ajoutait qu’il reviendrait aussi, sans retard, mais qu’il fallait que son ordre fût mis à exécution, avant son arrivée.
    Charles part avec la lettre, ne se doutant pas qu’elle contenait son arrêt de mort. Il loge dans un village, au bord de la route, et y mange avec trois inconnus, des maltôtiers.
    Après souper, on joue aux cartes. Charles perd tout son argent et même sa montre. On se couche. Les trois maltôtiers étaient dans la même chambre, et Charles était dans un cabinet, à côté. Il n’y avait qu’une cloison de planches à les séparer, et il entendait leur conversation : — Le pauvre garçon ! dit l’un d’eux, il a perdu tout son argent ; comment pourra-t-il payer son écot et retourner jusque chez lui ? J’ai pitié de lui ; si nous lui rendions son argent ? — Oui, répondirent les deux autres ; rendons-lui son argent.
    Et un des trois alla dans sa chambre pour lui remettre son argent. Il dormait profondément, car il était très fatigué de sa marche. Sur sa table de nuit, le maltôtier aperçut une lettre cachetée ; c’était celle que le roi lui avait donnée pour être remise à la reine. Poussé par la curiosité, il rompit le cachet, lut la lettre et fut bien étonné de ce qu’elle contenait.
    — Le pauvre garçon ! pensa-t-il, il porte lui-même l’ordre de le faire mettre à mort, et il ne le sait pas !
    Il montra la lettre à ses deux camarades, et ils lui substituèrent une autre lettre, qui recommandait à la reine de bien accueillir et bien traiter le porteur.
    Le lendemain matin, quand Charles se leva, les maltôtiers étaient déjà partis. Il retrouva dans ses poches son argent et sa montre, et sa lettre était aussi sur sa table de nuit, où il l’avait posée. Il paya son hôte et se remit en route, sans que rien lui eût fait soupçonner une substitution de lettre. Il marche, il marche, et finit par arriver à Paris. Il va tout droit au palais royal et remet sa lettre à la reine. Celle-ci l’accueille on ne peut mieux, le fait manger à sa table et l’emmène avec elle et la princesse, sa fille, dans ses visites et ses promenades.
    Le roi revint au bout d’un mois, et son étonnement fut grand et grande aussi sa colère de retrouver Charles dans la société de sa femme et de sa fille.
    — Comment ! dit-il à la reine, vous n’avez donc pas fait ce que je vous recommandais, dans ma lettre ?
    — Vraiment, si, répondit-elle ; voici votre lettre ; relisez-la.
    Le roi lut la lettre que lui présenta la reine, et vit clairement qu’il avait été trahi, mais il ignorait par qui.
    Charles fut alors envoyé à l’armée, comme simple soldat. C’était un soldat exemplaire. Il devint promptement officier, et, comme il se comportait vaillamment, dans toutes les rencontres, et contribuait plus que nul autre à la victoire, il parvint vite aux plus hauts grades, et on ne parlait que de lui, à l’armée et à la ville. La princesse s’éprit d’amour pour lui, et demanda à son père de le lui laisser épouser. — Jamais ! répondit le roi. Survint une grande guerre, et le roi de France était sur le point de perdre une bataille décisive, quand arriva Charles avec ses soldats. Aussitôt les choses changèrent de tournure, et les Français remportèrent une grande victoire, au lieu de la défaite désastreuse dont ils étaient menacés.
    La princesse demanda de nouveau à son père de lui permettre d’épouser le jeune héros.
    — Je le veux bien, répondit-il, cette fois, mais, à la condition qu’il m’apportera trois poils de la barbe d’or du Diable(1).
    — Et où irai-je chercher le Diable ? demanda Charles.
    — En Enfer, parbleu ! Lui répondit la princesse.
    — C’est facile à dire ; mais, par où aller en Enfer ?
    Il se mit tout de même en route, à la grâce de Dieu.
    Après avoir marché longtemps et traversé bien des pays, il arriva au pied d’une haute montagne, où il vit une vieille femme qui venait de puiser de l’eau à la fontaine, dans une barrique défoncée qu’elle portait sur la tête.
    — Où allez-vous ainsi, l’homme ? Lui demanda la vieille ; ici, il ne vient pas de gens en vie. Je suis la mère du Diable.
    — Eh bien, c’est alors votre fils que je cherche ; conduisez-moi jusqu’à lui, je vous prie.
    — Mais, mon pauvre enfant, il te tuera ou t’avalera vivant, quand il te verra.
    — Peut-être. Faites que je lui parle, et nous verrons après.
    — Tu n’es pas peureux, à ce qu’il paraît ; mais, dis-moi ce que tu as à faire avec mon fils.
    — Le roi de France m’a promis de me donner la main de sa fille, si je lui apporte trois poils de la barbe d’or du Diable, et je pense, grand’mère, que vous ne voudrez pas me faire manquer un si beau mariage pour trois poils de barbe.
    — Eh bien, suis-moi, et nous verrons ; ta mine me plaît.
    Et Charles suivit la vieille, qui le conduisit à un vieux château délabré et tout noir.
    Aussitôt arrivée, elle se mit à faire des crêpes pour son fils, sur une poêle plus large qu’une meule de moulin. Bientôt, on entendit un vacarme effroyable.
    — Voilà mon fils qui arrive, dit la vieille, cache-toi vite sous mon lit.
    Charles se cacha sous le lit, et le fils de la vieille entra aussitôt en criant :
    — J’ai grand’faim, mère, grand’faim(2) !
    — Eh bien, mange, mon fils ; voilà de bonnes crêpes.
    Et il se mit à manger des crêpes, qui disparaissaient comme dans un gouffre.
    Quand il en eut ainsi englouti quelques douzaines, il s’interrompit un instant, et dit :
    — Je sens ici odeur de chrétien, et il faut que j’en mange.
    — Tu déraisonnes, mon fils, dit la vieille ; mange des crêpes et ne songe pas aux chrétiens ; tu sais bien qu’il n’en vient jamais ici.
    Et il engloutit encore quelques douzaines de crêpes, puis il huma l’air et répéta :
    — Je sens odeur de chrétien ici, et il faut que j’en mange.
    — Laisse-moi donc tranquille avec les chrétiens, lui dit la vieille, et mange des crêpes ou va te coucher, si ton ventre est plein.
    — Oui, bonne petite mère, dit-il, radouci, je suis fatigué et je vais me coucher.
    Il se mit au lit, et, un instant après, il ronflait. La vieille s’approcha de lui et lui arracha un poil de sa barbe d’or. Il se gratta le menton, mais ne s’éveilla pas. Un moment après, la vieille lui arracha un second poil, puis un troisième. Il s’éveilla enfin et sauta hors du lit en disant :
    — Je ne puis pas dormir dans ce lit, mère, il y a trop de puces ; je vais coucher à l’écurie.
    — Vas à l’écurie, si tu veux, mon fils ; demain, je te mettrai des draps frais.
    Et il sortit pour se rendre à l’écurie.
    — Arrive ici, vite, à présent ! dit la vieille à Charles.
    Et, lui présentant les trois poils qu’elle venait d’arracher au menton de son fils :
    — Voici trois poils de la barbe d’or du Diable. Emporte-les vite, et vas épouser la fille du roi de France.
    Charles prit les trois poils, remercia et partit promptement.
    Quand il arriva au palais du roi de France, la reine et sa fille étaient à se promener dans le jardin. Il alla les y trouver, et, dès qu’elle l’aperçut, la princesse lui demanda :
    — Et les trois poils d’or de la barbe du Diable ?
    — Les voici, répondit-il en les montrant. La princesse courut le dire à son père. Quand le vieux roi vit les trois poils, il fut pris d’un tel accès de fureur, qu’il se planta lui-même son poignard dans le cœur et mourut aussitôt.
    — Va-t’en au Diable ! dit Charles, en voyant cela.
    Rien ne s’opposait plus au mariage de Charles avec la princesse.
    Il écrivit au marchand de Bordeaux de se rendre promptement à Paris. Il vint, révéla tout, et l’on sut alors que Charles était le fils du vieux jardinier du palais et le filleul du roi. On constata aussi l’accomplissement du souhait du vieux jardinier, lorsqu’il avait dit, en portant la santé du roi, au dîner du baptême : A votre santé, sire, et Dieu veuille que votre fille et mort fils soient unis, un jour.
    Le mariage fut célébré, et il y eut de belles noces, avec des festins, des danses et des jeux de toutes sortes, pendant quinze jours.
    J’étais là cuisinière ; j’eus un morceau avec une goutte, un coup de cuillère à pot sur la bouche, et, depuis, je n’y suis pas retournée. Mais, avec cinq écus et un cheval bleu, j’y serais encore allée ; avec cinq écus et un cheval brun, j’y serais allée demain en huit(3).

    Conté par Barbe Tassel, Plouaret, 1870.


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    vous aimez les légendes? un peu long mais interessant Empty la princesse Troîol

    Message par provence26 Dim 12 Sep - 18:14

    la Princesse Troîol


    Un jeune seigneur, ayant perdu son père et sa mère, demeurait avec sa marâtre. Celle-ci, comme il arrive trop souvent, n’aimait pas le fils que son mari avait eu d’une première femme, et elle lui rendait la vie dure. L’enfant, parvenu à l’âge de quinze ou seize ans, quitta un jour sa marâtre et partit, à l’aventure. Il se nommait Fanch.
    « Arrive que pourra, se disait-il en lui-même, je ne serai jamais plus mal que chez ma marâtre. »
    Et le voilà parti devant sa tête, — comme on dit.
    Il va, il va ; il loge dans les fermes, où la nuit le surprend ; parfois même, il couche à la belle étoile. Mais, quoi qu’il en soit, il ne regrette pas la maison de sa marâtre.
    Un jour, vers le coucher du soleil, il se trouva devant un beau château. La porte de la cour était ouverte, et il entra. Il ne vit personne. Il aperçut une autre porte ouverte, et il entra encore et se trouva dans une cuisine. Personne encore. Mais, un instant après, une chèvre arriva. La chèvre lui fit signe de la suivre. Il la suivit et se trouva dans un beau jardin. La chèvre, alors, lui parla de la sorte :
    — Si vous voulez rester ici, il ne vous manquera rien, seulement, il vous faudra passer trois nuits dans une chambre que je vous montrerai.
    — Comment, ici les bêtes parlent donc ? demanda le jeune homme, étonné.
    — Je n’ai pas été toujours sous la forme que vous me voyez présentement, répondit la chèvre ; je suis retenue ici sous un charme, et tous mes parents y sont comme moi, mais sous d’autres formes. Si vous voulez faire exactement tout ce que je vous dirai, vous me délivrerez, moi et tous les miens, et, plus tard, vous n’aurez pas lieu de vous en repentir.
    — Dites-moi ce qu’il me faudra faire, pour vous délivrer, et, si je le puis, je le ferai.
    — Vous n’aurez rien autre chose à faire que coucher trois nuits de suite dans une chambre du château, et ne pas prononcer un seul mot, ni même pousser une plainte, quoi que vous puissiez voir ou entendre, et quoi que l’on puisse vous faire.
    — Je veux toujours essayer. Quand l’heure de souper fut venue, on servit à manger et à boire à Fanch, dans une belle salle ; mais, ce qui l’étonnait le plus, c’est qu’il ne voyait que deux mains, qui posaient les plats sur la table, et pas de corps ! Quand il eut mangé et bu son content, une main prit encore un chandelier avec une lumière, et lui fit signe de la suivre. Il suivit la main et la lumière, et on le conduisit dans une chambre où il y avait un lit. La main déposa la lumière sur une table, et puis disparut, et pas un mot.
    Fanch n’était pas peureux ; pourtant, tout cela lui paraissait bien singulier.
    Il se coucha, et s’endormit sans tarder. Vers minuit, il entendit un grand bruit, dans sa chambre, qui le réveilla.
    — Jouons aux boules, disaient des voix.
    — Non, jouons à un autre jeu, disaient d’autres voix.
    Et il regardait de son mieux, et ne voyait rien.
    — Bah ! Bah ! dit une voix, occupons-nous d’abord de celui qui est là, dans le lit.
    — Il y a donc quelqu’un dans le lit ?
    — Certainement, venez voir.
    Et ils tirèrent le pauvre Fanch hors du lit et se le jetèrent de l’un à l’autre, comme une balle. Mais, ils avaient beau faire, Fanch ne soufflait mot et faisait toujours semblant de dormir.
    — Il ne se réveillera donc pas ? dit une voix.
    — Attends, attends, dit une autre voix, je saurai bien le réveiller, moi.
    Et il le lança si violemment contre la muraille, qu’il s’y colla comme une pomme cuite. Puis, ils s’en allèrent, en riant bruyamment.
    Aussitôt, entra dans la chambre la chèvre que Fanch avait vue en arrivant au château ; mais, sa tête était celle d’une belle femme.
    — Pauvre garçon ! dit-elle, comme tu as souffert !
    Et elle se mit à le frotter avec un onguent qu’elle avait, et à mesure qu’elle frottait, la vie revenait dans son corps, si bien qu’il finit par se retrouver aussi vivant et aussi bien portant que jamais.
    — Tout s’est bien passé, pour cette fois, lui dit alors la chèvre-femme ; mais, la nuit prochaine, l’épreuve sera plus pénible. Gardez toujours le silence le plus absolu, quoi qu’il puisse vous arriver, et, plus tard, vous en serez récompensé.
    — Je ferai mon possible, répondit Fanch. Et la chèvre partit.
    Fanch déjeuna et dîna bien, toujours servi par des mains sans corps ; il passa la journée à se promener par le château et les jardins, sans voir personne, et, après le souper, la même main saisit un chandelier et le conduisit à la même chambre. Cette fois, il se cacha sous le matelas du lit.
    — Peut-être ne me trouveront-ils pas ici, se disait-il en lui-même.
    Vers minuit, il entendit encore le même vacarme que la nuit précédente.
    — Je sens l’odeur de chrétien ! dit une voix.
    — Et d’où diable ? dit une autre voix ; tu vois bien qu’il n’y a personne dans le lit ; joue donc, et ne nous parle plus de chrétien.
    Et il se mit à jouer aux cartes. Mais, soudain, la même voix cria encore :
    — Je vous le répète, camarades, je sens l’odeur de chrétien !
    Et il défit le lit et découvrit le pauvre Fanch.
    — Quand je vous le disais ! Comment, tu vis encore, ver de terre ? Attends, nous allons en finir avec toi !
    Et ils l’écartelèrent ; puis, ils partirent, en riant bruyamment.
    Aussitôt la chèvre arriva encore dans la chambre, et, cette fois, elle était femme jusqu’à la ceinture.
    — Ah ! Pauvre garçon, dit-elle, dans quel état je te retrouve !
    Elle rapprocha les morceaux les uns des autres, et se mit à les frotter avec son onguent.
    Et peu à peu, les morceaux se rejoignaient, le corps se reconstituait, et bientôt il se retrouva complet et plein de vie.
    — La troisième nuit, lui dit alors la femme-chèvre, sera la plus terrible. Mais, armez-vous de courage, et, si vous la passez aussi heureusement que les deux autres, vos peines seront finies, et les miennes aussi, ainsi que celles de tous ceux qui sont retenus ici avec moi.
    — Je ne pense pas qu’il puisse m’arriver pis que d’être tué, comme je l’ai été déjà, deux fois, répondit Fanch.
    La troisième nuit, pour abréger, il se rendit encore à la même chambre, après souper, et se cacha, cette fois, sous le lit.
    Vers minuit, arrivèrent les mêmes personnages ; et ils se remirent à jouer.
    — Je sens encore l’odeur de chrétien ! dit soudain une voix. Est-ce que ce ver de terre ne serait pas encore mort ?
    Et ils défirent le lit ; mais, ils n’y trouvèrent rien. Ils regardèrent alors dessous :
    — Le voici ! Le voici !
    Et on le retira, par les pieds, de dessous le lit.
    — Il faut en finir avec lui, cette fois ! Se dirent-ils. Qu’en ferons-nous ?
    — Il faut le cuire, et puis le manger.
    — C’est cela ! Crièrent-ils tous à la fois.
    On fit un grand feu dans la cheminée, on mit le pauvre Fanch tout nu, on le suspendit au-dessus du feu, et, quand il fut bien rôti, ils le mangèrent, jusqu’au dernier morceau, même les os.
    Quand le festin fut terminé, ils s’en allèrent, et aussitôt une femme très belle entra dans la chambre, une princesse magnifique, et rien de la chèvre, cette fois.
    — Hélas ! dit-elle, j’ai grand’peur qu’ils n’en aient pas laissé le moindre morceau,
    Et elle se mit à chercher, d’abord sur la table, puis sous la table. Elle ne trouvait rien. A force de chercher, elle finit, pourtant, par découvrir un fragment d’os de la tête.
    — Dieu soit loué ! s’écria-t-elle, tout n’est pas encore perdu !
    Et elle se mit à frotter l’os, avec son onguent. Et, à mesure qu’elle le frottait, il grandissait, il grandissait, il se garnissait de chair, chaque membre revenait à sa place, tant et si bien que, peu à peu, le corps entier se reconstitua et se retrouva aussi vivant et aussi sain que jamais.
    — Holà ! s’écria alors la princesse, tout va bien ! Maintenant, les géants (ou les démons) n’ont plus aucun pouvoir ni sur moi ni sur les miens, et tout ce qui est ici vous appartient, Fanch, jusqu’à moi-même !
    Aussitôt on vit arriver, de tous les côtés, une foule de gens de tout rang et de toute condition, des princes, des princesses, des ducs, des barons, des gens du commun, qui tous étaient retenus enchantés dans ce château. Il en sortait de partout, et ils remerciaient celui qui les avait délivrés, puis ils partaient, chacun pour son pays.
    — Partons aussi, dit Fanch à la princesse ; allons chez votre père.
    — Pas encore, répondit-elle ; il nous faut séjourner encore trois jours ici, et, pendant ces trois jours, vous devrez rester sans manger ni boire, complètement à jeun, jusqu’au coup de neuf heures, chaque matin. Si vous buvez ou mangez la moindre chose, avant cette heure, vous vous endormirez aussitôt, et ne me reverrez plus. Tous les matins, je viendrai vous voir, à midi, et alors vous pourrez manger et boire. Vous m’attendrez, assis sur la pierre de la fontaine, dans le bois, et aussitôt le premier coup de midi, je me trouverai près de vous. Mais, prenez bien garde de manger ou de boire, avant cette heure.
    Quand elle eut prononcé ces paroles, elle disparut.
    Le lendemain matin, longtemps avant midi, fanch, accompagné d’un domestique, attendait la Princesse, assis sur la pierre de la fontaine. Il n’avait encore rien mangé, ni bu, et il avait faim. Comme il attendait ainsi, il vit venir à lui une petite vieille femme ayant au bras un panier rempli de prunes.
    — Bonjour à vous, jeune seigneur, lui dit la vieille.
    — A vous pareillement, grand’mère.
    — Acceptez une prune de moi.
    — Merci, je n’aime pas les prunes.
    — Une seulement, pour les goûter ; cela ne coûte rien ; voyez, comme elles sont belles !
    Il prit une prune. Mais, aussitôt qu’il l’eut portée à sa bouche, il s’endormit. Midi sonna, eu ce moment, et la princesse parut.
    — Hélas ! Il dort ! dit-elle, en le voyant.
    — Oui, dit son domestique ; une petite vieille est venue offrir une prune à mon maître, et dès qu’il l’a portée à sa bouche, il s’est endormi.
    — Eh bien ! Quand il se réveillera, donnez-lui ce mouchoir, pour qu’il se souvienne de moi.
    Et elle donna un mouchoir blanc au domestique, puis elle s’éleva en l’air et disparut. Fanch se réveilla en ce moment, et il put l’apercevoir, un instant. Elle était toute blanche, comme uni ange.
    — Je m’étais endormi ! Se dit-il, il faut que demain je me surveille mieux.
    Le lendemain matin, comme il était encore assis sur la pierre de la fontaine, avec son domestique, la même petite vieille vint à lui, ayant au bras un panier de figues.
    — Acceptez une figue de moi, mon beau seigneur ; voyez, comme elles sont belles !
    Fanch accepta encore une figue de la vieille. Il la mangea, et s’endormit aussitôt.
    Au coup de midi, la princesse arriva auprès de la fontaine.
    — Hélas ! Il dort encore ! s’écria-t-elle, avec douleur.
    — Oui, dit le domestique ; la petite vieille est encore venue, et elle a donné une figue à mon maître, et aussitôt qu’il l’a mangée, il s’est endormi.
    — Voilà un mouchoir gris, que vous lui donnerez, quand il se réveillera, pour qu’il se souvienne de moi.
    Et elle s’éleva encore en l’air, en gémissant.
    Fanch se réveilla, au môme moment, et il la vit encore qui montait vers le ciel. Cette fois, elle portait une robe grise.
    — Mon Dieu, dit-il, je m’étais encore endormi ! Et qu’est-ce qui me fait donc dormir de la sorte ?
    — Je pense, mon maître, — dit son domestique, — que ce sont les fruits que vous donne la petite vieille qui vous font dormir ainsi.
    — Bah ! Ce ne peut pas être cela ; mais, demain, je me surveillerai mieux et ferai en sorte de ne pas m’endormir.
    Le domestique lui donna le second mouchoir, qui était gris, comme il lui avait donné le premier, qui était blanc.
    Le lendemain matin, comme ils attendaient encore, auprès de la fontaine, la petite vieille arriva aussi et, cette fois, elle avait au bras un panier rempli de belles oranges.
    — Acceptez une orange de moi, mon beau seigneur, dit-elle à Fanch ; voyez comme elles sont belles !
    Le domestique avait bien envie de dire à son maître de ne pas accepter ; mais, il n’osa pas, et Fanch prit une orange, la mangea et s’endormit encore. Midi sonna au môme moment, et la princesse arriva ; le voyant encore endormi, elle poussa un cri de douleur, et dit :
    — Ah ! Le malheureux, il dort encore !
    — C’est la petite vieille qui en est cause, dit le domestique. Elle est encore venue, et a offert une orange à mon maître, qui l’a acceptée et mangée, et aussitôt il s’est endormi.
    — Voici un troisième mouchoir, que vous lui donnerez, quand il se réveillera, et vous lui ferez mes derniers adieux, car, hélas ! Je ne le reverrai plus.
    Et elle s’éleva encore vers le ciel, en poussant une plainte touchante.
    Fanch se réveilla à l’instant, et vit le bas de sa robe et ses pieds. O douleur ! Cette fois elle était toute noire. Noir était aussi le troisième mouchoir qu’elle avait laissé à son domestique, pour lui être remis.
    — Hélas ! Je m’étais encore endormi ! s’écria-t-il, avec douleur.
    — Oui, malheureusement, mon pauvre maître. La princesse, avant de disparaître, m’a laissé, pour vous le remettre, ce troisième mouchoir, et elle m’a recommandé de vous faire ses adieux, car vous ne la reverrez plus.
    Grande fut la douleur de Fanch, en apprenant cela. Il pleurait et s’arrachait les cheveux, et criait :
    — Si ! Si ! Je la reverrai encore, car je ne cesserai de la chercher partout, et de marcher, nuit et jour, jusqu’à ce que je l’aie retrouvée !
    Et il se mit sur-le-champ en route, n’emportant, pour toute provision, qu’une miche de pain.
    Vers le soir, il s’assit sur le gazon, au bord de route, pour se reposer et manger un morceau. Une petite vieille vint à passer, en ce moment, qui lui dit :
    — Bon appétit, mon fils.
    — Merci, grand’mère. Si vous voulez faire comme moi, je partagerai avec vous volontiers.
    — Mille bénédictions, mon fils ! Voici dix-huit cents ans que je suis par ici, et jamais personne ne m’avait encore offert du pain.
    Et elle s’empressa d’accepter sa part du frugal repas de Fanch, puis elle lui dit : — Pour vous remercier, mon fils, voici une serviette que je vous donne et qui pourra vous être utile. Quand vous éprouverez le besoin de manger ou de boire, étendez-la par terre, ou sur une table, suivant le lieu où vous vous trouverez, et aussitôt tout ce que vous souhaiterez vous sera servi dessus. Voici encore une baguette blanche, pour voyager, et, à chaque coup que vous en frapperez sur la terre, vous ferez cent lieues.
    — Ah ! bien oui, tu vas, peut-être, manger un cousin à toi, qui est venu me voir, et qui a apporté un bœuf rôti pour chacun de vous ; ne les vois-tu pas là ?
    Alors, la vieille fit sortir Fanch du coffre, et son cousin et lui se trouvèrent, vite, bons amis.
    Bientôt on entendit encore un grand bruit, dans la cheminée, et : hou ! hou ! hou ! hou ! Et le second fils de la vieille, ou le second vent, (car c’était la mère des vents), descendit, et voyant Fanch :
    — Un chrétien ! s’écria-t-il, je veux le manger, à l’instant !
    — Je voudrais bien voir ! Lui dit la vieille ; un cousin à vous, qui est venu me voir, et qui a apporté un bœuf rôti pour chacun de vous ! Asseyez-vous là, près du feu, et soyez sage, ou gare à mon bâton !
    Et il s’assit sur un escabeau, près du feu, en face de son frère, et ne dit plus mot.
    Un moment après, on entendit encore un vacarme épouvantable. Les arbres craquaient et volaient en éclats, autour de la hutte : c’était effrayant !
    — Voici mon fils aîné qui vient ! dit la vieille.
    Et il descendit par la cheminée et balaya tout le feu du foyer jusqu’au bas de la maison. Il criait :
    — J’ai grand’faim ! Ma pauvre mère ; j’ai grand’ faim !
    — C’est bien ; taisez-vous, le souper est prêt.
    Mais, quand il aperçut Fanch :
    — Un chrétien ! s’écria-t-il ; et il allait se précipiter sur lui, et l’avaler. Mais, la vieille prit un jeune ormeau qu’elle avait arraché, dans son jardin, et se mit à le battre, à tour de bras :
    — Ah ! tu veux manger ton cousin, le fils de ma sœur, un enfant charmant, qui est venu me voir, et qui a apporté un bœuf et une barrique de vin pour chacun de vous ! Et tu crois que je le souffrirai ?
    Et elle frappait, elle frappait sans pitié ; et le grand vent criait :
    — Doucement, ma pauvre mère ; ne frappez pas si fort ; je ne ferai pas de mal à notre cousin, puisqu’il a apporté un bœuf et une barrique de vin pour chacun de nous !
    Alors la vieille cessa de frapper, et ils se mirent tous à table ; mais ils étaient si gloutons, le grand vent surtout, que Fanch fut obligé d’avoir recours à sa serviette, par trois fois. Enfin, quand ils furent rassasiés, ce qui dura longtemps, ils allèrent s’asseoir et causer, près du feu, comme de vieux amis.
    — Où vas-tu aussi, cousin ? demanda le petit vent à Fanch.
    — Chercher la princesse Troïol ; sais-tu où elle demeure ?
    — Non vraiment ; je n’en ai même jamais entendu parler.
    — Et toi, cousin ? demanda-t-il au second vent.
    — Moi, j’ai entendu parler d’elle ; mais, je ne sais pas où elle demeure.
    — Et toi, grand cousin ? demanda-t-il au grand vent.
    — Moi, je sais où elle demeure ; je reviens précisément de là, et je dois y retourner, demain.
    — Veux-tu m’emmener avec toi ?
    — Je le veux bien, si tu peux me suivre ; mais, allons nous coucher, à présent, car demain nous aurons encore beaucoup de chemin à faire.
    Le lendemain matin, chacun des vents partit de son côté.
    — Suis-moi, si tu le peux, dit le grand vent à Fanch.
    Et le voilà parti. Frrrrr ! ou ou, ou, ou ! viiiii !! Et Fanch après ! Et de frapper la terre avec sa baguette blanche, qui lui faisait foire cent lieues, à chaque coup. Quand le grand vent tourna la tête, pour voir où il était resté, il fut bien étonné de le voir sur ses talons. Ils arrivèrent au bord de la mer.
    — Je ne peux pas aller plus loin, à moins que tu ne me prennes sur ton dos, dit alors Fanch au grand vent.
    — Je te prendrai bien sur mon dos, si tu me donnes à manger, quand je demanderai.
    — C’est entendu, autant que tu voudras.
    Et Fanch monta sur le dos du grand vent, et les voilà partis ! A chaque instant, le grand vent demandait à manger. Fanch avait sa serviette, et lui donnait tout ce qu’il demandait. Ils allaient, ils allaient ! frrrrr ! viiii ! ou, ou ! Ils aperçurent enfin le château de la princesse Troïol. Le grand vent déposa Fanch au milieu de la cour. Fanch attacha les trois mouchoirs de la princesse, le blanc, le gris et le noir, au bout de son bâton, puis le planta en terre, au milieu de la cour. Un moment après, la princesse passa, au bras du maître du château, se rendant à l’église, pour leur mariage. Elle vit Fanch, reconnut ses trois mouchoirs, et dit aussitôt à sa femme de chambre :
    — Allez demander à cet homme combien il veut me vendre un de ses mouchoirs.
    La femme de chambre se rendit aussitôt auprès de Fanch.
    — Combien voulez-vous me vendre un de vos mouchoirs, pour ma maîtresse ?
    — Dites à votre maîtresse qu’elle n’est pas assez riche pour acheter un de ces mouchoirs.
    La femme de chambre retourna vers sa maîtresse.
    — Eh bien ! Que vous a-t-il répondu ?
    — Il m’a répondu que vous n’êtes pas assez riche pour acheter un de ses mouchoirs.
    La princesse, à cette réponse, fit semblant de se trouver indisposée, et l’on remit la cérémonie au lendemain.
    Le lendemain matin, elle envoya encore sa femme de chambre demander à Fanch combien lui coûteraient deux de ses mouchoirs.
    — Dites à votre maîtresse, lui répondit encore Fanch, qu’elle n’est pas assez riche pour acheter ni un ni deux de mes mouchoirs.
    La femme revint rapporter la réponse à sa maîtresse.
    — Eh bien ! Retournez, et dites-lui de venir me parler.
    Elle retourna vers Fanch, et lui dit :
    — Ma maîtresse vous prie de venir lui parler.
    — Dites à votre maîtresse de venir me trouver elle-même, si elle veut me parler.
    La princesse se rendit alors auprès de Fanch.
    — Venez avec moi un instant, dans ma chambre, lui dit-elle.
    Et Fanch la suivit dans sa chambre, et ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, en pleurant de joie.
    La princesse dépêcha ensuite sa femme de chambre vers le maître du château, pour lui dire qu’elle était toujours indisposée et qu’elle le priait d’attendre jusqu’au lendemain, pour aller à l’église. Elle ajoutait qu’on pouvait néanmoins faire le repas de noces, le jour même, puisque tous les invités étaient arrivés.
    Ainsi fit-on. Le repas fut magnifique. Vers la fin, tout le monde était gai et joyeux, et chacun contait quelque petite histoire plaisante. On pria la jeune fiancée de conter aussi quelque chose. Elle se leva, alors, et parla ainsi :
    — J’avais un petit coffret, avec une jolie petite clef d’or. Je perdis la clef, et j’en fis faire une autre. Mais, quelque temps après, je retrouvai mon ancienne clef. Me voici embarrassée, et je vous demande de laquelle des deux clefs je dois me servir, à présent, de l’ancienne ou de la nouvelle ?
    — Je pense qu’il faut préférer l’ancienne, répondit le maître du château.
    — C’est aussi mon avis, reprit la princesse. Je vais vous faire voir l’ancienne clef dont je parle.
    Et elle se leva de table, entra dans un cabinet à côté et revint aussitôt, en tenant par la main Fanch, habillé en prince ; et, s’adressant au seigneur et à tous les convives :
    — Voici ! Je l’avais choisi d’abord, et c’est lui qui sera mon époux, et non un autre !
    Et l’on célébra les noces, le lendemain, et il y eut des festins magnifiques, comme je n’en ai vu jamais, si ce n’est en rêve, et ils restèrent dans ce beau château, car le maître disparut aussitôt et personne ne sut jamais ce qu’il était devenu.

    Conté par Jacques Sesson, sabotier de la forêt de Beffou, commune de Loguivi-Plougras (Côtes-du-Nord), décembre 1869.


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    vous aimez les légendes? un peu long mais interessant Empty les fées de haute Bretagne

    Message par provence26 Dim 12 Sep - 18:14

    LES FÉES EN HAUTE-BRETAGNE
    (D'après un article paru en 1886)
    En Haute-Bretagne, on parle très souvent des fées. Outre les légendes nombreuses qu'on raconte à leur sujet, plusieurs proverbes où elles figurent sont restés dans la conversation courante ; on dit : « Blanc comme le linge des fées » pour désigner du linge d'une blancheur éclatante ; « Belle comme une fée » pour exprimer une beauté surhumaine.

    Elles se nomment généralement Fées, parfois Fêtes, nom plus voisin que fée du latin fata ; on dit une Fête et un Fête ; de Fête dérive vraisemblablement Fuito ou Faitaud, qui est le nom que portent les pères, les maris ou les enfants des fées (Saint-Cast). Vers Saint-Briac (Ille-et-Vilaine), on les appelle parfois des Fions ; ce terme, qui s'applique aux deux sexes, semble aussi désigner les lutins espiègles.

    Vers le Mené, dans les cantons de Collinée et de Moncontour, on les appelles des Margot la Fée, ou ma commère Margot, ou bien la bonne femme Margot. Sur les côtes, on les désigne assez souvent sous le nom de bonnes dames ou de nos bonnes mères les fées ; en général on parle d'elles avec certains égards.

    Les fées étaient de belles personnes. Il y en avait toutefois des vieilles qui paraissaient avoir plusieurs centaines d'années ; quelques-unes avaient les dents longues comme la main, ou leur dos était couvert de plantes marines, de moules ou de vignots ; c'est une manière de désigner leur ancienneté. A Saint-Cast on dit qu'elles étaient habillées de toile, sans que j'aie pu obtenir des détails plus précis ; dans l'intérieur on est plus affirmatif, et voici la déposition textuelle qui m'a été faite, en 1880 : « Elles étaient faites comme des créatures humaines ; leurs habits n'avaient point de coutures, et on ne savait lesquels étaient des hommes, lesquelles étaient des femmes. Quand on les apercevait de loin, elles paraissaient vêtues des habits les plus beaux et les plus brillants. Quand on s'approchait, ces belles couleurs disparaissaient ; mais il leur restait sur la tête une espèce de bonnet en forme de couronne, qui paraissait faire partie de leur personne. » (Conté par François Mallet du Gouray, laboureur)

    Sur la côte, on prétend que les fées appartenaient à une race maudite, et qu'elles avaient été condamnées à rester sur la terre pendant un certain temps. Vers le Mené, canton de Collinée, les anciens disaient que lors de la révolte des anges, ceux qui étaient restés dans le paradis se divisèrent en deux : les uns prirent parti pour le bon Dieu ; les autres restèrent neutres. Ces derniers furent envoyés sur la terre pour un temps, et ce sont ces anges à moitié déchus qui étaient les fées. Un conte recueilli à Saint-Suliac par Mme de Cerny raconte que la fée du Bec-du-Puy fut exorcisée par le curé de Saint-Suliac. On ne vit rien ; mais on entendit un cri de douleur (Saint-Suliac et ses légendes).

    En général on croit que les fées ont existé, mais qu'elles ont disparu à des époques qui varient suivant les pays. Dans l'intérieur, vers le Mené, d'après ce que j'ai entendu personnellement, depuis plus d'un siècle il n'en existerait plus. Il en est de même aux environs d'Ercé (Ille-et-Vilaine).

    Sur la côte, où l'on croit fermement que les fées ont habité les houles ou grottes des falaises, l'opinion générale est qu'elles ont disparu au commencement du siècle. Nombre de personnes, âgées aujourd'hui d'une soixantaine d'années, ont entendu raconter à leurs pères ou à leurs grands-pères qu'ils avaient vu les fées. Jusqu'à présent, j'ai rencontré une seule personne qui croyait à leur existence contemporaine : c'était une ancienne couturière de Saint-Cast ; elle en avait si peur que, lorsqu'elle allait coudre dans les fermes, elle faisait un grand détour pour éviter de passer à la nuit close auprès d'un champ qu'on nomme dans le pays le Couvent des Fées.




    Les fées ont disparu depuis que l'on sonne l'Angelus et qu'on chante le Credo ; mais par la suite des temps la religion s'éteindra, on ne chantera plus le Credo, on ne sonnera plus l'Angelus, et les fées reviendront. Les anciens disaient avoir entendu dire à leurs anciens à eux qu'il y en avait eu jusqu'à une certaine époque. Alors elles avaient disparu ; mais au bout d'un certain temps elles devaient revenir. Elles sont toutes parties la même nuit ; elles reviendront aussi la même nuit. J'ai retrouvé la même croyance, avec plus de précision, vers Ercé-près-Liffré (Ille-et-Vilaine).

    Les fées reviendront le siècle prochain, parce que les chiffres du prochain siècle est un chiffre impair. Le siècle invisible, c'est-à-dire celui où on ne voit pas les esprits : on les reverra dans le prochain.




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    vous aimez les légendes? un peu long mais interessant Empty pluies de sang,croix,blé.................................

    Message par provence26 Dim 12 Sep - 18:16



    PLUIES DE SANG, CROIX, BLÉ, SEL, COTON, CENDRES
    (D'après « Recherches sur les phénomènes
    météorologiques de la Lorraine » paru en 1885)


    Voir le Fichier : les_fees.txt



    vous aimez les légendes? un peu long mais interessant Pz5mjlu7yx





    Les tourbillons et les trombes enlèvent des mousses, des feuilles, du foin, de la poussière, des particules fines du sol, voire même des gerbes qui, du côté de Lyon, ont été transportées jusqu'à trois kilomètres. Ces mouvements giratoires entraînent quelquefois les produits ainsi enlevés à une certaine distance, surtout quand ceux-ci sont ténus ; ils causent alors dans leur chute de singulières surprises aux populations.

    Ainsi, à Gênes, en 1744, pendant une guerre civile, et en Transylvanie, en 1810, il tomba une pluie dont les gouttes étaient colorées en rouge et qu'on prit pour du sang. L'analyse révéla que la coloration n'était point un produit animal : à Gênes, c'était à des particules minérales microscopiques, c'est-à-dire à du sable rouge très fin ; en Transylvanie, à du pollen ou poussière végétale enlevée à des résineux. On a vu de même des neiges teintes en rouge par des causes analogues.

    C'est à un ordre de choses sans doute tout différent qu'il faut rapporter le fait signalé par les Annales messines à la date de 1516 : « Quand ce vint à xawoultrer la vigne, beaucoup de gens, hommes et femmes, trouvoient leurs mains et leurs manches toutes dessaignées, non pas un peu si rouges que vray sang et ne savoient où
    Pluie de sang à Lisbonne en 1551

    dont ce venoit et en estoient plusieurs gens émerveillés dont il venoit ni précédoit et se cuidoient les aulcuns avoir coppés ».

    Ces taches rouges prises pour du sang n'étaient-elles pas causées par le liquide rougeâtre que déposent certains papillons au moment où ils sortent de leur chrysalide ? En certaines années, le papillon dont la chenille affectionne l'ortie, éclôt, même en notre pays, en assez grande abondance pour que les plantes, les murs, les corniches même, se trouvent couverts de ce liquide rougeâtre. Celui-ci ne peut être tombé du ciel, puisque le revers des feuilles, les corniches s'en trouvent tachés. Pieresc observa en France une prétendue pluie de sang due à la présence, dans chacune des gouttes, d'une foule de petits insectes rouges qui volaient en ces temps-là en quantité dans l'atmosphère. Hildebrand, en 1711, remarqua aussi une pluie de couleur rouge due à la même cause.

    On rapporte qu'à la suite d'un orage, on vit l'eau des citernes d'Allain, comme celle des flaques de la route, toute couverte d'une poudre jaune qu'on prit pour de la fleur de soufre. Ce phénomène, assez fréquent du reste, s'est produit au printemps de 1883, aux environs de Saumur, où les maraîchers virent, un matin, leurs légumes tout couverts d'une poussière jaune qui n'était autre chose que du pollen de fleurs de bouleaux, de pins ou de lycopodes, venant de loin. Nous avons signalé du sable fin colorant en rouge des gouttes d'eau, et ce sable lui-même tomber abondant ; il avait sans doute été enlevé des déserts. Mais sans sortir de la région, le Dr Simonin cite dans Résumé d'observations météorologiques une pluie de sable, en 1856, près de Varangéville, à la suite d'une trombe qui avait suivi quelque temps le cours de la Meurthe.

    Le Dr Marchal, de Lorquin, a signalé, à la date du 4 août 1854, à Fraquelfing (arrondissement de Sarrebourg), une pluie de sel, à la suite d'un orage, pendant lequel on crut voir tomber des flocons de neige. Mais après la pluie, la substance blanche restée sur le sol ayant été examinée,
    Pluie de croix en 1503

    fut trouvée cristallisée, croquant sous la dent et ayant la saveur bien connue du sel. Marchal crut pouvoir attribuer ce phénomène à une trombe qui aurait enlevé de l'eau de l'Océan, l'aurait ensuite vaporisée dans la partie supérieure de l'atmosphère et le sel marin libre se serait cristallisé, aurait été transporté au loin et serait venu tomber dans nos parages.

    Un ouvrage imprimé dans la seconde moitié du XVIe siècle, le Promptuaire, entre les mains d'une famille de Germiny, signale en Thuringe, non loin d'Eskerberg, une pluie de blé ; il en tomba de l'épaisseur de deux doigts. Ce phénomène s'étant produit le 25 juin, on doit l'attribuer à une trombe qui aurait, comme celle de Froville, découvert une maison, une ferme, et enlevé le blé battu, comme dans ce dernier village il enleva le tas de foin. On a signalé en Espagne, dans la province de Léon, une pluie de pois, d'une variété inconnue ; on en recueillit, dit-on, neuf quintaux.

    Ajoutons des pluies de coton, apparemment produites par le duvet de certains arbres chargés au printemps de gousses cotonneuses, telles que celles que l'on remarque sur quelques variétés de peupliers de nos routes. Les pluies de cendre ont une origine volcanique. Ces produits de certaines éruptions sont poussés avec force dans les régions supérieures de l'atmosphère et transportés au loin par les contre-alizés. On a vu ainsi des cendres entraînées à plus de deux cents lieues de distance et, en tombant, obscurcir l'air et couvrir le pont de certains navires d'une couche de plusieurs centimètres. Du reste, lors de l'éruption du Vésuve qui engloutit Herculanum et Pompéi, des cendres lancées par le volcan furent transportées par le courant boréal, ou de retour, jusqu'en Afrique.

    Pour terminer cette énumération de pluies bizarres, citons un phénomène singulier relevé dans les Annales messines et que nous livrons à la sagacité des physiciens et des météorologistes. « En 1500 advinrent plusieurs aultres merveilles parmey le monde, entre lesquelles en aulcune partie des Allemaignes tomboient et cheoient du ciel aucunes licques en manière de croix, les unes perses, les aultres en coulleur rouge, et d'aultres estoient jaunes. Et furent frappés de cette mallaidie et pestilence nouvelle et estrainge plus à l'entour de la rivière du Rhin que aultre pairt ; car des incontinent que icelles tomboient dessus le corps d'antenne personne, fust homme ou femme, josne ou vieulx, tantost incontinent après ilz mouroient ; et si les dictes croix cheoient sur la robbe, elles l'avoient tantost percée jusques à la chair
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    Message par Jean-pierre Dim 12 Sep - 18:30

    Là ça va nous faire de la lecture pour la soirée.

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